Jules II, pape de 1503 à 1513
Le conclave qui suit la mort de Pie III Todeschini Piccolomini s’ouvre la veille de la Toussaint. C’est un des plus courts de l’histoire de l’Église. Trois heures après le coucher du soleil, en ce 31 octobre 1503, les trente-huit cardinaux présents élisent le doyen du Sacré Collège, Giuliano della Rovere, neveu de Sixte IV, qui attend ce moment depuis près de vingt ans.
Le nom choisi par le nouveau pape, Jules II, qui fait référence au dictateur romain traduit une conception bien définie du rôle qui incombe au successeur de Pierre et l’intention d’associer à cette fonction un symbolisme évocateur dont, par le passé, le duc de Valentinois, Cesare Borgia, s’était emparé en diverses circonstances. Mais la forte personnalité de Giuliano della Rovere n’a pas attendu cette élection pour se manifester. Sa vie est le prototype de la carrière ecclésiastique menant au pontificat durant la Renaissance : accumulation rapace de bénéfices importants (cardinal à 28 ans, archevêque de Carpentras, évêque de Lausanne, évêque puis archevêque d’Avignon, évêque de Bologne, titulaire des monastères de Grottaferrata et de Montecassino…) et de puissantes charges politico-diplomatiques à l’extérieur comme à l’intérieur de la curie romaine (protecteur de l’ordre franciscain, légat pontifical dans les Marches, en Avignon, auprès du roi de France, dans les Flandres, en Angleterre et en Écosse…), mécène avisé, enfants illégitimes et insolente promotion de parents proches, absence de scrupules, culture aussi profonde que variée.
Selon le témoignage de Vasari, le portrait était exposé lors de certaines fêtes solennelles dans l’église romaine Santa Maria del Popolo. Par rapport aux autres portraits du pape, que Raphaël a présentés dans les deux « Chambres » comme des symboles de grandeur et de pouvoir, cette effigie se concentre sur le rendu de sa vie intérieure, donnant du pontife une image plus intime, moins officielle, « … si vraie qu’il inspirait le respect comme s’il était vivant » (Vasari).
Mécène éclairé, Jules II jeta les fondations de la Haute Renaissance romaine. Comme ses contemporains, nombre d’historiens lui rapprochent d’avoir poussé trop loin son engagement dans les affaires temporales.
Jules II – en qui François Guichardin voit le pape « le moins sacerdotal et le plus profane » – revêt l’armure, marche à la tête de ses armées, enrôle des mercenaires suisses, excommunie le maître de Bologne, Giovanni Bentivoglio, absout son propre neveu Francesco Maria della Rovere quand celui-ci devient homicide (entre autres du cardinal Alidosi), frappe d’interdit Venise (ligue de Cambrai), affronte le royaume de France (Sainte Ligue), écarte la menace schismatique du concile de Pise en convoquant, à Rome, le concile du Latran, au cours duquel il écoute, impassible, la violente diatribe contre l’usage de la force armée par l’Église dans le discours inaugural d’Egidio da Viterbo. Enfin Alexandre VI comme Jules II et, immédiatement après eux, Léon X Médicis, le fils de Laurent le Magnifique, ont un besoin chronique et désespéré d’argent pour financer de nouvelles constructions, vivre dans le faste, s’entourer d’artistes, satisfaire un caprice ou un autre et, surtout, entre- tenir des troupes de mercenaires et faire la guerre. Cet argent, ils se le procurent par n’importe quel moyen : confiscations d’héritages importants, conquêtes de terres, multiplications des charges vénales, facilement concédées en échange de portions congrues anticipées, et lorsque ces filons approchent de la saturation, ventes lucratives de joyaux, de grâces spirituelles, du salut des âmes. Si le commerce des indulgences permet de remplir rapidement les caisses pontificales et les coffres des banquiers, il apparaît cependant très vite comme une erreur criante, un gain éphémère aux conséquences désastreuses pour l’Église romaine.
Dans cette scène, le pape Grégoire IX est représenté sous les traits de Jules II. Le cardinal Jean de Médicis, qui allait devenir Léon X, se trouve debout à la gauche du pape.
Mécénat de Jules II
Dans l’histoire de la peinture, le pontificat de Jules II est principalement identifié à la Voûte de la chapelle Sixtine peinte par Michel-Ange, aux premières Stanze (chambres) de Raphaël et, bien sûr, aux entreprises de Donato Bramante, si l’on élargit l’horizon à l’architecture. A partir de cette période il devient même toujours plus compliqué – et, de fait, impossible, de résumer ce qui se passe dans la recherche picturale à Rome, où un événement est aussitôt suivi d’un autre. Comme le soulignait Roberto Longhi, la première décennie du Cinquecento devrait être divisée non pas en années mais en mois, tant sont élevés le nombre et la qualité des œuvres et des artistes, au cours de cette période. Il suffit de penser à Venise, entre le vieil et immense Giovanni Bellini et la brève production de Giorgione, à Mantoue, avec les dernières années de Mantegna, ou à la Florence d’après Savonarole, dans laquelle travaillent (et se croisent) Léonard, Michel-Ange et le jeune Raphaël, tandis que Botticelli s’autorise des œuvres extrêmes et que les « excentriques », Piero di Cosimo en tête, cherchent des voies autonomes. La manière moderne fait irruption et, durant deux siècles, sinon davantage, elle demeurera la référence de l’art européen.
Revers de la médaille : projet pour Saint Pierre; Face : Jules II. Les « infinis dessins » qui précédèrent la cérémonie de fondation de la basilique, le 18 avril 1506, débouchèrent, comme l’atteste cette médaille, sur un édifice à plan centré bien articulé, confluant dans le grand espace lumineux d’une coupole de 41,5 m de diamètre, égale à celle du Panthéon (malgré les interventions postérieures qui ont modifié le projet d’origine, ces dimensions ont été conservées).
Le mécénat du pape couvrait cinq projets : la reconstruction de Saint-Pierre et l’agrandissement du Vatican par Bramante, la décoration des nouveaux appartements pour Raphaël, l’édification d’un splendide tombeau pour lui-même et la décoration de la chapelle Sixtine par Michel-Ange. Le plan pour Saint-Pierre était certainement choisi dès 1506, année où fut frappée la médaille de Caradosso. L’église devait comporter un plan central, basé sur la croix grecque, avec quatre éléments plus petits en croix grecque dans les angles ; la croisée devait être surmontée d’une coupole hémisphérique soutenue par une colonnade. Le dôme de la cathédrale de Florence et le chœur de Santa Maria delle Grazie à Milan étaient des œuvres considérables, mais aucun édifice en Italie depuis l’Antiquité n’approchait les dimensions envisagées pour Saint-Pierre. A la mort de Bramante en 1514, les fondations des piliers de la croisée et du chœur de Saint-Pierre étaient terminées, mais les piliers sur lesquels il voulait construire son immense dôme étaient insuffisants. Son élève Peruzzi, Raphaël et Antonio de Sangallo le Jeune tentèrent de trouver des solutions en modifiant les plans. Les problèmes financiers, les guerres qui culminèrent avec le Sac de Rome en 1527, les retombées de la Réforme retardèrent les travaux ; ils ne progressèrent pas jusqu’à ce que Michel-Ange en prenne la direction en 1547. L’exploit de Bramante, plus que ce qu’il construisit effectivement, tient à l’envergure de son projet et à sa confiance en la possibilité de réaliser ses idées : rient n’était hors de portée de l’homme de son époque.
Jules II se laisse entraîner par la fugue créatrice de Michel-Ange, ils échafaudent ensemble des projets toujours plus grandioses pour la décoration de la Chapelle, de sorte que l’artiste pourra donner libre cours à son imagination, dans un genre artistique, tout à fait différent et qui lui plaît moins. Jusqu’au 31 octobre 1512, Michel-Ange peindra plus de 300 personnages sur la voûte de la Chapelle Sixtine.
Au-dessus des ancêtres du Christ, dans les lunettes et les voutains, trônent les « Prophètes et les Sibylles » qui semblent plus grands qu’en réalité (3 m environ). La violence et la puissance de ces figures ne dépendent pas seulement de leur grandeur mais du fait surtout que chacune d’elles est une figure en soi, et qu’elle est isolée des autres.
Michel-Ange et Raphaël, qui ne réussiront jamais à nouer un véritable dialogue, ne peuvent opérer librement, stupéfier le monde (et, qui sait, eux-mêmes) que parce qu’ils trouvent à Rome un milieu absolument favorable, que leur génie sait mettre à profit. Buonarroti a déjà vécu à Rome pendant cinq ans, un séjour qui lui a permis de réfléchir, d’établir des contacts, d’étudier les œuvres antiques. Raphaël, qui est sûrement passé par Rome, peut-être à plusieurs reprises, connaît bien les Ombriens et les Toscans qui ont travaillé dans la ville, et il a tôt fait de tirer l’enseignement des fresques murales dans la chapelle Sixtine. Les nouveautés révolutionnaires de ces deux artistes sont loin d’être le fruit d’une illumination subite, dans la mesure où, chez eux, le stupéfiant réside justement dans la somme incroyable que représente le travail préparatoire et dans une capacité de révision et d’adaptation des projets en cours d’exécution. Il faut du temps pour passer, dans la Voûte, des Apôtres des premiers entretiens aux scènes de la Genèse, intégrées dans une puissante structure architectonique. Et il faut du temps pour élaborer, dans la chambre de la Signature, les versions finales de l’École d’Athènes et de la Dispute du saint sacrement qui résument non seulement l’histoire de la philosophie et celle de l’Église, mais aussi et surtout l’histoire de la recherche picturale d’un siècle entier.
Dans la « Chambre de la Signature », Raphaël parvint à développer d’une manière innovatrice le programme iconographique conçu par les ecclésiastiques et les humanistes de l’entourage de Jules II, qui visait à rappeler la concordance entre le savoir antique et la spiritualité chrétienne. Les philosophes de l’Antiquité sont représentés sous les traits des contemporains de Raphaël. Michel-Ange, l’air sombre et pensif, est assis sur l’escalier, avec un bras appuyé sur un bloc de marbre. C’est le dernier personnage à être peint dans cette fresque ; c’est l’hommage de Raphaël à cet artiste qui avait fini depuis peu la voûte de la Chapelle Sixtine.
Dans la seconde moitié de l’année 1508, Raphaël est actif à Rome. Grâce, selon Vasari, à l’appui de Bramante, comme lui originaire d’Urbino, il participe à la décoration des intérieurs choisis par Jules II pour son usage propre, car ce pape ne supporte pas l’aménagement de l’appartement du pape Borgia, son ennemi acharné. Au bout de quelques mois, les peintres qualifiés déjà au travail, sans doute engagés en vue d’un achèvement rapide de la décoration comme cela était arrivé à la chapelle Sixtine sous Sixte IV (Signorelli, le Pérugin, le Sodoma, Peruzzi, Cesare da Sesto, Bramantino, Lotto), cèdent la place au seul Raphaël. Celui-ci va décorer les appartements pontificaux, qui deviendront « les Chambres » (Stanze) et qui constituent une part importante de l’œuvre murale de Raphaël. Entre 1509 et août 1514, Raphaël acheva la décoration de la Chambre de la Signature – ainsi nommée en raison de la fonction qu’elle joua plus tard, mais destinée à l’époque à être la bibliothèque privée du pape – et de la Chambre d’Héliodore (elle aussi désignée d’après le nom d’une des scènes représentées) et commença probablement à préparer les dessins pour la troisième, la Chambre de l’Incendie. L’accumulation des commandes que lui avait procurées le succès de ses œuvres l’obligea, dans ce dernier cas, à mettre sur pied un véritable atelier et à former des assistants qu’il sut choisir parfaitement. Il entretient dès lors des relations privilégiées avec un milieu raffiné de lettrés et de collectionneurs, qui contribue à aiguiser et à élargir ses propres intérêts.
Dans la Messe de Bolsena, Raphaël a représenté son mécène Jules II, participant aux événements dans une solennelle immobilité, suivi de ses cardinaux et de ses gardes suisses. L’évocation de cet épisode (le miracle de Bolsena) montre le prêtre, protagoniste de l’événement, presque au centre de la composition, alors qu’il élève la hostie. Deux personnes, selon la nouvelle tendance de Raphaël qui cherche à rendre la représentation plus dynamique, sont représentés alors qu’elles se penchent au-dessus des stalles semi-circulaires, qui servent de fond à la scène. La présence du pape illustrait ainsi sa dévotion personnelle et une action de grâces pour les événements favorables du printemps 1512 où la guerre contre les Français commença à tourner en faveur des troupes pontificales et de leurs alliés.
Pendant qu’il décorait la Chambre de la Signature, Raphaël exécuta aussi d’autres œuvres, sur bois et sur toile, stimulé par des commandes toujours plus nombreuses, dues au retentissement de son cycle de fresques. Le prestige conféré à Raphaël par le décor des Chambres du Vatican incita nombre de hauts personnages de la hiérarchie ecclésiastique et des cercles intellectuels gravitant autour de la cour papale à lui conférer des commandes de prestige. C’est le cas de la Vierge de Foligno, commandée à Raphaël à la fin de l’année 1511 par l’historien Sigismondo de’Conti, qui fut le secrétaire de Jules II et préfet de la fabrique de Saint-Pierre.
Michel-Ange sculpteur à Rome
A vingt et un ans, Michel-Ange arrive pour la première fois à Rome. Il y passera environ cinq ans. Deux œuvres datent de cette époque. La première, un Bacchus, commencée en 1497 ; elle était destinée au jardin du banquier Jacopo Galli qui la voulut « imitée de l’ancien ». Selon l’avis d’un contemporain « la forme et l’aspect de cette œuvre correspondaient, en tous points, à l’intention des écrivains anciens ». Le corps du dieu, titubant sous l’effet de l’ivresse, a quelque chose de viril et d’efféminé à la fois. Pour Vasari, cet étrange mélange est caractéristique du dieu grec Dyonisos. Mais l’expérience à appris à Michel-Ange que la sensualité d’une telle nature divine a pour l’homme un revers : en effet, le dieu tient négligemment dans la main gauche une peau de lion, symbole de la mort, et une grappe de raisin, symbole de vie, où mord un satyre. Il est ainsi facile de comprendre ce qui signifie pour l’homme ce miracle de la sensualité pure : au cour de sa vie l’homme ne peut jouir longtemps, comme la fait le satyre, car la mort le presse.
Dans sa Pietà, Michel-Ange reprend un thème traité, déjà, à plusieurs reprises, surtout au Nord des Alpes que l’on appelle Vesperbild. La représentation de la douleur était, alors, toujours inséparable de l’idée de rédemption. Dans cette œuvre qu’il exécuta à vingt-trois ans l’artiste donne une interprétation encore inconnue de la Vierge et du Christ mort. Le visage juvénile de la Mère n’obéit pas aux lois du temps ; elle incline très légèrement la tête sur son fils dont le corps inerte repose sur ses genoux. « Il est impossible de trouver un nu dont le corps soit aussi remarquable, dont les muscles, les veines, les tendons recouvrant l’ossature, soient aussi bien observés ; il n’est pas de mort qui ressemble plus à un mort que celui-là. L’expression du visage est d’une telle douceur, la disposition et l’articulation des membres sont si harmonieuses qu’on est frappé de stupeur et qu’on s’étonne que la main d’un artiste ait put exécuter rapidement et de façon divine une œuvre aussi admirable. » (Vasari-Milanesi VII, p. 151)
Michel-Ange exprime le caractère divin de ses figures à travers une beauté parfaite qui satisfait à tous les critères humains et qui est, pour cela, d’essence divine. Ce n’est donc plus la douleur, condition de la rédemption, qui est représentée ici, mais la beauté, qui en est la conséquence.
Au mois de mars 1505, Michel-Ange se rend à Rome sur l’ordre du pape Jules II. En l’espace d’un an, il se rend compte des grandes différences qui existent entre le climat de sa république natale et celui de la cour papale. Le Pape lui offre une commande vraiment royale : celle d’ériger en cinq ans et pour la somme de 10.000 ducats le tombeau où il reposera. Non moins de quarante statues, grandeur nature, devaient entourer le tombeau, conçu pour être visible de tous côtés. Jamais, depuis les temps anciens, un pareil monument n’avait été dressé, en Occident, en l’honneur d’un seul homme. Il a été possible de reconstituer, d’après des documents écrits, le programme iconographique qui prévoyait, tout simplement, le tableau de la Chrétienté. La partie inférieure du monument était réservée aux hommes, celle du milieu aux prophètes et aux saints, et dans la partie supérieure, le triomphe du Jugement Dernier. Michel-Ange se met immédiatement au travail mais il se bute bientôt à un obstacle : le Pape, probablement préoccupé de ne pas trouver un lieu digne de son tombeau, imagine un projet encore plus grandiose : remanier l’église de Saint-Pierre. Il renvoie, par conséquent, la réalisation des projets précédents. Michel-Ange sollicite en vain une audience du Pape, un soldat finit pour le chasser du palais. Abattu, l’artiste s’enfuit presque de Rome et rejoint Florence, le 17 avril, la veille du jour où devait être posée la première pierre de Saint-Pierre. Le refus de Michel-Ange de revenir malgré les sollicitations pressantes du pape, et enfin la réconciliation avec Jules II et la grande commande de 1508, pour peindre à fresque l’immense voûte de la chapelle Sixtine. Étapes déroulées sur une brève période, d’une expérience humaine et artistique passionnante, dont l’abondante correspondance de Michel-Ange a conservé le souvenir vivant et obsédant.
La réalisation du tombeau de Jules II fut la pénitence de Michel-Ange : il y travailla quarante ans (1505-1545), soumit six projets dont les cinq derniers aux héritiers du pontife. Le premier, dont la reconstitution est très controversée, fut sans doute présenté sous la forme d’une maquette en bois. On la connaît par Vasari et Condivi, par les dessins de l’artiste et par le biais du plafond de la chapelle Sixtine, puisqu’y son reprises nombre d’idées pour le tombeau. En 1506, ses protestations sur la manque de fonds restant sans effet – ceux-ci allaient à la guerre et à la nouvelle basilique de Bramante -, Michel-Ange partit à Florence pour sculpter le Saint Mathieu, qui traduit son agitation. Ses œuvres sont tout empreintes de ses propres sentiments. Après la mort de Jules II en 1513, le projet du tombeau du pape, dirigé par ses héritiers, consistait en une tombe murale plus conventionnelle. Trois des personnages les plus achevés ont été conservés et un seul, le Moïse en forme de pyramide, destiné au second niveau, es placé sur le tombeau définitif.
Ce personnage à la musculature impressionnante dérive des prophètes assis et des sibylles du plafond de la chapelle Sixtine. Il représente peut-être la version idéalisée qu’avait l’artiste de Jules II, le grand pape guerrier, déterminé à restaurer la gloire de la papauté et ses territoires après Alexandre IV Borgia. Michel-Ange se heurta toujours à cette puissante personnalité ; il se plaignait constamment de ses exigences.
Sous le pontificat de Jules II, Rome n’est plus ou, en tout cas, n’est plus seulement – comme elle l’a longtemps été au Quattrocento – la ville où des peintres étrangers, plus ou moins célèbres, viennent pour différentes raisons (gagner leur vie, plaire à leur seigneur respectif, étudier l’Antiquité ou simplement changer d’air), prêts à travailler pour d’illustres ou de munificents mécènes mais sans renoncer jamais à l’idée de rentrer chez eux. A présent, entre autres raisons parce que la commande pâtit de la confusion politique dans des villes comme Milan, Florence ou Naples, les artistes commencent à s’établir à Rome. Raphaël y demeure jusqu’à sa mort prématurée, à l’âge de 37 ans ; et ses élèves y resteront jusqu’au pontificat si étranger à l’art d’Adrien VI et jusqu’à l’émigration qui accompagnera le sac de Rome, en 1527. Sebastiano Luciani, qui n’est pas encore « del Piombo », demeure lui aussi à Rome, venu de Venise en 1511 avec l’autre grand mécène de ces années, Agostino Chigi. Enfin Michel-Ange reviendra, après une longue période à Florence, où il aura surtout travaillé pour les papes de la famille Médicis (Nouvelle Sacristie de San Lorenzo) et pour honorer ses engagements sur le tombeau de Jules II. Alors que papes, cardinaux et hommes de la curie sont proches désormais de la défaite la plus déchirante de l’Église – la perte de l’unité du monde chrétien et la moitié de l’Europe tournant le dos aux successeurs de Pierre – ils s’imposent définitivement dans le monde de l’art.
Dernière mise à jour : 14-12-2023