Les décors intérieurs
Il n’y a aucun doute sur l’ampleur du mouvement de construction urbaine à Florence dans la seconde moitié du XVe siècle. Il y eut après 1460 un retour aux formules éprouvées, un renforcement de l’élément toscan dans l’architecture civile. A en juger par les projets de Giuliano da Sangallo, certains notables et Laurent de Médicis le premier, souhaitaient des compositions plus libres et plus majestueuses. Le palais Gondi et le palais Strozzi sont des variations sur le type de Michelozzo pour la Via Larga, mais l’originalité se situait plutôt dans le décor intérieur. En effet, chaque personnalité concevait des ensembles à sa convenance ; reliefs sculptés ou terres cuites dans la cour, fresques, suites de panneaux formant cycle dans les pièces d’honneur. Les éléments figurés de la demeure doivent toujours quelque chose au notable qui les a commandés : ils reflètent avec précision sa culture et son goût. Comme la plupart de ces propriétaires étaient des amis personnels de Ficin ou de Politien, parfois des fidèles de Careggi, on trouve là un point de contact certain entre l’art et l’humanisme. La rareté des mentions de ce type d’ouvrages dans les textes, la disparition d’un grand nombre d’entre eux et la dispersion des panneaux, permettant seulement une vue très approximative.
Par ses dimensions, le panneau aurait fait partie du décor peint d’une chambre et aurait été inséré dans un lambris. Selon une hypothèse fondée sur la présence d’un nid de guêpes (vespe en italien) derrière Mars, l’œuvre aurait pu être destinée à un membre de la famille Vespucci. Les poses des deux divinités semblent inspirées d’un sarcophage antique représentant Bacchus et Ariane. Selon une interprétation néoplatonicienne, le tableau pourrait illustrer « la force conciliatrice de l’Amour et le triomphe de la Concorde sur la Guerre ».
Les aménagements intérieurs comportaient des montages de menuiserie formant banquette et dossier (spalliere) autour des tableaux. L’ensemble les plus typique que l’on connaisse, est sans doute la pièce au rez-de-chaussée du palais Médicis que l’on nommait la Camera di Lorenzo et don l’inventaire de 1492 (à la mort de Laurent le Magnifique) énumère les tableaux encadrés de menuiserie : trois Batailles d’Uccello, Lions et dragons, Jugement de Pâris par le même artiste, Chasse de Pesellino (ces trois derniers aujourd’hui disparus). Les tableaux étaient placés très haut ; leur disposition exacte n’est pas certaine. L’ensemble remontait à l’époque de Cosme l’Ancien (peu après 1450) et semble ne répondre à aucun programme : il fut complété par Le cortège des Mages dans la chapelle (1459) par Benozzo Gozzoli et le décor des Histories d’Hercule dans la Grande Salle.
Des programmes nouveaux apparaissent vers 1460, avec la bibliothèque de la Badia de Fiesole financée par Cosme et surtout le décor de « bacchantes » placé par Antonio Pollaiolo dans la grande salle de la villa Lanfredini à Arcetri (1464). Peu après, vers 1465, Pierre de Médicis commande au même Pollaiolo les trois grandes tableaux d’Hercule destinés à une des pièces de l’appartement médicéen, perdus mais dont il reste trace dans deux petits tableaux : Vasari le décrit comme des œuvres impressionnantes et hardies qui eurent un grand retentissement. Filarete (vers 1460) donne une description enthousiaste de l’intérieur du palais Médicis « al quale tutta la città rende honore« .
Cycle de Botticelli à la villa Lemmi
Les fresques de la villa Lemmi faisaient partie de tout un ensemble ornant une loggia dans une ville du Chiasso Macerelli à Florence, ayant appartenu à Giovanni Tornabuoni, oncle de Laurent le Magnifique. Cette « loggia » prenait jour par une petite colonnade ; on voyait sur l’un des murs un paysage et des figures presque entièrement ruinées aujourd’hui, et, en face, séparées par une fenêtre, les deux scènes allégoriques de Botticelli. On a voulu y reconnaître le cousin de Laurent, Lorenzo Tornabuoni et Giovanna degli Albizzi, dont le mariage fut célébré en 1486. On aurait sur la fresque la mieux conservée, avec ses roses et ses verts délicats, la jeune femme accueillie par Vénus et ses nymphes et sur l’autre le jeune Florentin guidé par une « divinité » vers le cercle des sept dames des Arts, c’est-à-dire vers le savoir. Les deux fresques évoquent avec clarté et retenue l’accès à la vie supérieure sous le signe de Vénus, qui est l’une des pensées fondamentales de l’humanisme florentin.
Vénus est escortée de trois nymphes aux pieds nus qui représentent les Trois Grâces ; elle dépose en un geste d’admonition, un objet dans le voile de la jeune femme. Vénus porte les curieuses sandales que l’on voit dans le Printemps, elle est escortée de trois nymphes aux pieds nus qui représentent les Trois Grâces. Des traces de peinture qui subsistent sur l’ « intonaco », la fontaine qu’apparaît à gauche, laissent supposer que les silhouettes se découpaient sur le fond d’un jardin analogue au bosquet du Printemps.
La même divinité qui apporte son présent à la jeune femme, conduit le jeune homme par la main vers les « sept Arts », dames aux voiles lourds, aux attitudes calculées, que domine Rhétorique dans l’autre fresque. Cette fois, les feuillages et les troncs du fond sont encore visibles ; le beau profil du héros attentif se détache avec bonheur sur ce beau décor. C’est sans doute la figure de Vénus, répétée d’une fresque à l’autre, qui indique l’unité de l’œuvre et sans doute du cycle entier. La déesse dispose à la fois du don des grâces et du vrai « savoir ». La ville se trouvait à courte distancie de Careggi : elle en est surtout proche par l’esprit de son décor.
Villa de Castello
En 1477, la villa de Castello fut acquise pour les deux jeunes fils de Pierfrancesco de Médicis, Laurent (né en 1463) et Jean (né en 1467). Lorenzo di Pierfrancesco n’avait donc que quinze ans en 1478, date probable du panneau de Botticelli, Le Printemps ; mais c’est précisément le moment où Ficin – dont il fut l’un des correspondants – lui adresse une longue épître « pédagogique », présentant une sorte d’horoscope idéal sous le signe de Vénus, symbole d’Humanitas. Vasari a vu Le Printemps et La Naissance de Vénus dans la villa de Castello, ancienne propriété du jeune cousin du Magnifique ; « Dans plusieurs maisons de la ville, écrit l’historien, (Botticelli) peignit des tondi et des nus ; aujourd’hui encore, on voit à Castello… deux tableaux représentant, l’un, Vénus qui sort de l’onde et poussée par les vents vers la terre, avec les amours, l’autre aussi une Vénus couronnée de fleurs par les Grâces, ce qui signifie l’allégorie du Printemps : tous deux exécutés avec bonheur. » Malgré ses inexactitudes, Vasari admet clairement que les deux œuvres constituent une sorte de diptyque et il est tentant de considérer ce diptyque comme le complément des fresques de la villa Lemmi. Le peintre n’a cessé de travailler pour Lorenzo di Pierfrancesco : en 1495 et 1496, il dirigeait encore des travaux d’entretien et de décoration à Castello, et l’on sait que le même seigneur lui commanda l’illustration de La Commedia. Ce prince était étroitement lié avec Ficin et les platoniciens. Botticelli a été « son » peintre, ce qui ne pouvait que l’orienter vers un discours humaniste et platonique dans l’esprit de Careggi.
Ce tableau a été reconnu comme étant celui cité dans l’inventaire de 1499, dans lequel il est précisé qu’il se trouvait au-dessus d’un « ettuccio » – sorte de banc de bois à haut dossier utilisé comme lit de repos – dans la salle attenante à la chambre à coucher de Lorenzo, fils de Pierfrancesco de Médicis.
Palazzo Pucci : Cycle Nastagio degli Onesti
Commandés par Laurent le Magnifique pour Antonio Pucci, ces tableaux furent exécutés à l’occasion des noces de Gionozzo Pucci, neveu de Laurent avec Lucrezia Bini : « il peignit à petits personnages la nouvelle de Boccace : Nastagio degli Onesti en quatre petits tableaux charmants ». Le format et le caractère décoratif des panneaux suggèrent qu’ils étaient destinés à s’insérer dans un lambris. Documentés vers 1500 dans la Casa Vespucci, aujourd’hui Palazzo Incontri, situé à l’angle de la vie dei Servi et de la vie dei Pucci à Florence. Le choix des thèmes de cette série de peintures a une double finalité : l’une didactique – inciter la jeune épouse, Lucrezia Bini, à considérer la puissance de l’amour – l’autre apotropaïque – contribuer à ce que le bonheur conjugal dure. À la différence de la nouvelle de Boccace, la peinture met avant tout l’accent sur le caractère social et politique du mariage : Onesti dilapide sa fortune pour s’attirer les faveurs d’une jeune fille, qui reste impassible à ses avances, froide et même cruelle. Pris de désespoir, jusqu’à songer à se suicider, il quitte la ville. Tandis qu’il erre dans une pinède, il assiste à une scène insoutenable.
Dans cette scène, Nastagio, erre dans la forêt, pensant à la femme qu’il aime, pensée qui le fait souffrir ; au centre, il saisit un bâton pour affronter les chiens qui bondissent sur une jeune femme nue poursuivie par un cavalier. La solution adoptée par le peintre est celle de la narration simultanée, exposant les moments cruciaux du récit. L’arrière-plan laisse entrevoir parmi les arbres un paysage marin détaillé d’une grande sérénité, évoquant la ville de Ravenne dont Nastagio était citoyen.
« Il vit courir vers lui, à travers d’épais fourrés d’arbustes et de ronces, une très belle jeune femme, nue, échevelée et toute déchirée par les branches et les épines, qui pleurait et criait grâce. En outre, il vit bondir deux gros et féroces mâtins qui furieusement la poursuivaient et la harcelaient de leurs cruelles morsures. Derrière, sur un cheval noir, il vit un sombre cavalier, au visage tout empreint de courroux, une épée à la main, qui la menaçait de mort en l’invectivant de paroles terribles et injurieuses. » Décaméron, V, 8.
Comme c’est l’usage désormais chez Botticelli, le dramatique et l’élégance formelle – dans les figures élancées, dans les mouvements gracieux des personnages et des animaux – se fondent en produisant un effet de de récit suspendu entre la fable et la réalité.
Botticelli et la narration en frise
Botticelli n’a jamais oublié l’univers fascinant par la grâce de la narration qui est celui d’Apollonio di Giovanni et de Pesellino ; il lui doit une certaine tension dans le récit, qui s’amplifie dans les fresques de la Sixtine, avec l’enchainement et l’animation de scènes comme celle de la Tentation du Christ. La « narration en frise » à la mode autour de 1465, trouve sa conclusion dans les images des panneaux de Saint Zénobe (devants de coffres probablement destinés à une confrérie religieuse et postérieurs à 1500). Il n’est même pas permis de voir dans ces ouvrages tardifs un réveil (suite a su profonde crise spirituelle inspirée par Savonarole), car, dans la mesure où la chronologie des œuvres peut-être établie, il apparaît que Sandro n’a jamais cessé de fournir des compositions de ce type : soit de coffres (cassoni), soit, comme la mode s’en répandait de plus en plus, des panneaux destinés à être encastrés dans un décor de bois sculpté (spalliere). Vasari fait allusion à la présence, dans une salle de la demeure des Vespucci, de panneaux peints destinés à compléter un décor de panneaux peints insérés dans un lambris. La critique les identifie généralement comme étant l’Histoire de Virginie et l’Histoire de Lucrèce. La commande aurait pu être passée à l’occasion du mariage, en 1500, entre Giovanni Vespucci et Namicina di Benedetto Nervi, les deux épisodes étant des exemples de fidélité conjugale. Extraite de Tite-Live et de Valère Maxime, l’histoire est celle de Lucrèce, épouse de Tarquin Collatin, qui fut violée par Sextus Tarquin. Le lendemain de l’épisode tragique, l’héroïne devant son père, son mari et Brutus se saisit d’un poignard et se tue, après leur avoir demandé de venger son honneur. Certains y ont vu une interprétation politique, une défense de la liberté contre la tyrannie des Médicis ; cependant, cette hypothèse est absurde : les Vespucci étaient des alliés des Médicis. Cependant, le décor permet de comparer les aventures décrites par les tableaux et celles qui eurent réellement lieu à Florence, notamment le recours abusif à la violence pour conquérir le pouvoir ou racheter son honneur.
Le centre de la scène est occupé par le cadavre de Lucrèce, tandis que Brutus, monté sur le piédestal d’une colonne de marbre ornée d’une statue de David, harangue ses soldats les incite à la révolte pour transformer la monarchie en république. L’architecture joue un rôle fondamental : l’arc de triomphe de l’arrière-plan, proche de celui du Châtiment des Rebelles de la chapelle Sixtine, sert de coulisse, tandis que les deux loggias des côtés évoquent les édifices de la Florence du Quattrocento.
La scène se lit de gauche à droite : Virginie, accompagnée d’autres dames, est agressée par Marcus Claudius qui veut la contraindre à céder au désir d’Appius Claudius. Comme elle refuse, il la traîne devant le tribunal présidé par Appius Claudius lui-même, qui la déclare son esclave. Son père et son époux invoquent en vain la clémence d’Appius, jusqu’à ce que le père tue sa fille, afin de préserver son honneur et s’enfuie à cheval.
La caractéristique la plus saisissante de la peinture est sans nul doute la véhémence passionnée des figures, mises en valeur par des couleurs vibrantes et complétée par les scènes en grisaille.
Les admirables panneaux de l’Histoire de Virginie Romana et de la Tragédie de Lucrèce étaient, croit-on, destinés à Guidantonio Vespucci pour qui, selon Vasari, Sandro « face intorno a una camera molti quadri chiusi in ornamenti di noce per ricignimenti e spalliere con molte figure vivissime e belle » ; Guidantonio s’acheta une maison Via dei Servi en mars 1499, et c’est alors qu’il a pu commander les panneaux.
Il s’agissait sans doute à l’origine d’un décor unique destiné à une demeure particulière. Ils relatent l’histoire d’un saint, évêque de Florence qui vécut au IVe siècle de notre ère, mais qui faisait encore l’objet d’une grande dévotion à l’époque de Botticelli. Nous ne connaissons pas le commanditaire de l’œuvre, si c’est un particulier ou une institution. L’hypothèse a été émise d’une relation avec Filippo di Zanobi de Girolami, descendant présumé du saint, ou avec une confrérie religieuse, la Compagnie de San Zénobe. L’autographie n’a jamais été mise en doute. La maîtrise de la composition, la construction architecturale et le chromatisme en font une œuvre de très haute qualité.
L’ingénieux costumier, le narrateur vivace qu’a été Botticelli, a pris la suite des inventions des orfèvres et des illustrateurs florentins de 1460. Il a recréé avec l’assurance de l’artiste qui travaille sur un répertoire déjà défini, le petit monde romanesque des récits courtois, auquel se superposeront, sans l’altérer, les héros de l’histoire antique et les nymphes de l’humanisme.
Piero di Cosimo et les origines de l’humanité
Aussitôt après avoir mentionné les deux Vénus de Botticelli Vasari cite deux cycles destinés à des décors d’appartement : « Via dei Servi chez Giovanni Vespucci, il fit autour d’une pièce plusieurs panneaux avec des encadrements de noyer qui formaient des banquettes (spalliere) continues : il y a beaucoup de figures belles et animées. » L’un des deux ensembles fut exécuté par Piero di Cosimo : « Il y peignit des faunes, satyres, sylvains, putti et bacchantes si étranges qu’on s’émerveille à voir la diversité des sacs et vêtements, la variété des traits, avec une grâce et une vraisemblance parfaites. » Les panneaux de Piero constituent d’après les Fastes d’Ovide un diptyque sur la découverte du miel par les compagnons de Bacchus (et l’invention du gâteau de miel rituel des libations), et un épisode burlesque, la chute de Silène qui avait cru s’emparer d’un nid d’abeilles et fut la proie des guêpes. La verve à la fois sarcastique et rustique de Piero triomphe dans la présentation des arbres morts où se logent les essaims, et des « bacchantes » en désordre. Des paysans agités, poursuivent l’essaim en faisant du bruit avec des instruments de cuisine. Il y a là une note d’humour âpre, une insistance sur les formes étranges et monstrueuses, qui semble le contrepied délibéré des images innocentes de Botticelli. Panofsky a souligné le contraste des deux moitiés du paysage, riant à gauche, sauvage à droite : il suggérerait l’opposition de l’état sauvage et de la vie rustique. Comme l’a établi Panofsky, les storie les plus bizarres de Piero di Cosimo correspondent à un programme conceptuel et philosophique savant qui, entre Lucrèce, Ovide, Pline l’Ancien, Diodore de Sicile et les Généalogies des Dieux de Bocacce, manipule une culture aussi précise que vaste.
« Et voici dans une scène Silène, monté sur un âne, rayonnant d’une joie absolument naturelle rendue avec un grand talent, et escorté de jeunes enfants ; l’un le soutient, un autre lui donne à boire. » Vasari
L’art de Piero di Cosimo procède d’un sentiment tourmenté et anxieux qui prend la nature à témoin dans les accidents les plus étranges des rochers, des arbres, des formes et la déploie autour de l’homme primitif, autour des monstres de la fable, comme un décor redoutable et confus.
Dans le milieu florentin la conception particulière de l’antique de Piero di Cosimo fut certainement un cas isolé : dans quelques séries de tableaux, le mythe classique se transforme en l’évocation d’une humanité primitive et sauvage, décrite avec une grande originalité du point de vue de la composition, un goût fantaisiste de la couleur et de la rudesse dans le tracé.
Pour Francesco Pugliese, un riche marchand florentin, Piero di Cosimo peignit un second cycle de panneaux : Combat de Lapithes et de Centaures ; Scène de chasse et L’incendie de forêt pour être disposés «intorno a una camera» et représenter la vie primitive. C’est une sorte de pastorale hagarde avec des figures monstrueuses et des hommes aux prises avec une nature rebelle. Ces panneaux sont de petites dimensions. On a donc supposé que d’autres panneaux plus monumentaux, dont Vulcain et Éole éducateurs de l’humanité, symbole de la civilisation technique. Les deux séries se suivent en effet comme l’ère des épouvantes primitives avant la domestication du feu et l’ère de Vulcain, symbolisée par l’histoire du dieu. Dans la Généalogie des Dieux de Boccace (XIIe siècle) est inséré un long passage de l’humanité primitive, avant l’action du dieu artisan.
Dans les deux tableaux peints vers 1510 sur l’Histoire de Prométhée, di Cosimo se base sur la tradition humaniste et représente, Prométhée qui modèle l’homme, conduit au ciel par Minerve, qui lui permet ainsi approcher le feu ; et Prométhée et le feu, qui prend le feu au char du soleil et le transmet à la statue, avant d’être enchainé par Mercure. Le Prométhée de la tradition humaniste et ses images qui aboutissent aux tableaux de Piero di Cosimo, c’est le héros dont l’aventure spirituelle est placée sous le signe de Minerve, de Mercure et d’Apollon, que l’artiste enrôle comme les garants de sa propre gloire.
Le portrait que Vasari dresse de Piero di Cosimo dans la biographie que lui consacre aura une importance décisive pour le destin historique de l’artiste, figure prototype du génie excentrique, du peintre bizarre. Les surréalistes en feront l’un de leurs ancêtres ; Erwin Panofsky a qui l’on doit le déchiffrement majeur des panneaux consacrés aux « origines de l’humanité », estime sa singularité « sans équivalent chez aucun artiste de la Renaissance ». Il considère que son attitude artistique ne peut s’expliquer « qu’à partir de la psychologie ». Il interprète l’art de Piero (peut-être avec excès) comme celui d’un névropathe.