L’inspiration antique des sculpteurs
Au début du XVe siècle, et alors que l’Église reste pratiquement le seul commanditaire des œuvres, la sculpture a toujours une vocation religieuse ou décorative. Destinés aux portails, aux autels et aux tombeaux, ses sujets demeurent restreints : l’artiste ne peut que privilégier le Christ, la Vierge, les saints et les allégories des Vertus, aborder le nu en traitant Adam, Ève ou saint Sébastien, et représenter l’individu en exécutant son gisant. L’émergence dans ce domaine d’un art profane est lente. Vers le milieu du Quattrocento, toutefois, on peut déceler les signes d’un renouveau : Alors que les artistes se réfèrent de plus en plus à l’Antiquité, on assiste à la renaissance du portrait. C’est surtout dans le décor des demeures privées que la sculpture profane vient, discrètement, s’immiscer. Elle apparaît vers 1430 dans la cour du palais de Cosme de Médicis, avec le David de Donatello, mais il faut attendre à la fin du siècle pour voir les sculptures se livrer, sur les places et les jardins de Florence, à l’admiration du public. Le caractère religieux des programmes ne permet guère à l’artiste de s’inspirer pleinement de la sculpture antique qui favorise le nu et le portrait. Il en retient les apparences plus encore que les principes. Parmi ces derniers, il fait sien le hanchement ou contrapposto, cher aux sculpteurs de l’Antiquité, pour camper une figure sur une jambe et abaisser son épaule du même côté, et il retient l’idée de la proportion modulaire. Il adopte surtout les grands thèmes de la sculpture antique : le nu viril, alors qu’il ignore totalement le nu féminin; le portrait en buste; la statue équestre. Il redécouvre enfin la noblesse du bronze – si précieux à l’Antiquité et souvent délaissé par les hommes du Moyen Age – pour s’engager vers un naturalisme qui distingue la sculpture de la Renaissance de l’art gothique.
Premier nu monumental de la Renaissance, le David de bronze de Donatello n’est pas documenté. Installé sur une colonne au milieu de la cour du palais Médicis en 1459, il semble bien avoir était fait pour Cosme, peut-être vers 1440, s’il faut y voir une célébration de la bataille d’Anghiari de 1440. Une inscription soulignait en tout cas sa signification civique (Vincite cives : citoyens, soyez vainqueurs). La nudité inédite de David s’appuie sur le texte biblique du livre de Samuel, mais pourrait se comprendre comme une tentative de fondre les deux figures héroïques chrétiennes et antiques de David et de Mercure, ou de David et d’Hercule. À la fin du siècle, Verrocchio à qui les Médicis commandèrent aussi un David, le revêt d’une cuirasse, tandis que Michel-Ange revint à la nudité héroïque de Donatello.
Les reliefs de la Porte du Paradis réalisés par Guiberti sont l’expression parfaite du style Renaissance dans un relief.
Jacopo della Quercia et Nanni di Banco : créateurs d’un nouveau style
Les signes avant-coureurs de la régénération de l’Antiquité classique se situent dans un contexte plus large de renouveau de la culture classique, qui touche d’autres cités de Toscane. Alors que Florence conserve l’initiative en matière de sculpture pendant la première moitié du XVe siècle, c’est un siennois de naissance, Jacopo della Quercia (1374-1438), qui impose dans ce domaine les premières nouveautés. Dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Vasari place Jacopo en tête des artistes de la seconde période de la renaissance des arts au début du Quattrocento. Le Siennois réalise en 1401 avec Francesco de Valdambrino le tombeau de marbre d’Ilaria del Carretto, dans la cathédrale de Lucca, qui démontre la hardiesse de ses conceptions. Traité comme un sarcophage sur le modèle d’un antique du Camposanto de Pise, le tombeau porte la gisante, dont le visage rayonne de sérénité ; son corps est enveloppé par une robe qui, par le traitement du drapé, contribue au charme de l’ensemble. Portée avec délicatesse par des angelots, la volumineuse guirlande qui entoure le sarcophage sur toutes ses faces constitue un motif ornemental d’une grande grâce. De 1409 à 1419, Sienne confie à Jacopo della Quercia le soin de réaliser la Fonte Gaia, la fontaine monumentale de la ville, dont les statues en ronde bosse de Rea Silvia et d’Acca Laurentia symbolisent les liens qui rattachent la ville à l’Antiquité romaine. Par sa sobriété, son caractère formel monumental et la vigueur de l’expression, l’art de Jacopo della Quercia marque une rupture décisive avec le monde gothique et atteint une plénitude extraordinaire qui fascinera Michel-Ange.
Acca Laurentia, personnage appartenant à l’iconographie romaine, était la femme du chevrier qui s’occupa de Romulus et Remus enfants. La figure de Della Quercia qui s’inspire d’une Vénus romaine a l’embonpoint et le lourd vêtement caractéristiques de ce sculpteur. Le groupe possède une unité psychologique : tandis qu’elle tient l’un des garçons joufflus qui se presse sur son sein, l’autre saute pour attirer son attention. Elle le regarde de ses yeux en amande avec un sourire qui paraît animé.
Alors que Jacopo della Quercia poursuit son travail dans plusieurs villes de Toscane, la plupart des sculpteurs du Quattrocento se retrouvent à Florence, où le chantier de la cathédrale draine des talents venus de tous les horizons et confronte des artistes de plusieurs générations. L’immensité du programme entraîne avant tout une grande variété dans la production ainsi qu’une collaboration permanente entre gens d’origine différente. Sur ce grand chantier Nanni di Banco va travailler pendant plus de quinze ans aux côtés de Donatello. Dans la synthèse de l’art gothique et du classicisme antique qu’il pratique, on découvre alors les premiers signes d’un art très personnel, d’une sculpture où s’affirme son tempérament. Cette originalité se manifeste d’autant plus fortement en 1408, quand les chantiers de la cathédrale commandent à quatre sculpteurs les statues monumentales des évangélistes pour garnir les niches de la façade de Santa Maria del Fiore : un Saint Luc à Nanni, Saint Jean à Donatello, Saint Marc à Niccolò Lamberti et Saint Mathieu à Bernardo Ciuffagni (1408-1415) en marbre de Carrare. Au drapé fin et ondoyant de Lamberti s’oppose la gravitas (noble gravité) du Saint Jean et du Saint Luc, dont le visage suggère une étude approfondie des portraits romains de l’époque républicaine, comme dans les figures des Quatre Saints couronnés de l’Orsanmichele.
À l’opposé de l’image médiévale, enveloppée de draperies compliquées, resplendissante d’or, de vermillon et de bleu, Nanni et Donatello proposent une nouvelle image de l’homme, la « statua virile » selon l’expression employé par Ghiberti dans ses « Comentarii » qui renvoie à la notion de « virtus » (vigueur morale), une des notions clés de l’humanisme.
Le talent de Nanni di Banco est tellement reconnu qu’il reçoit la commande, avec Donatello et Ghiberti, des sculptures pour les niches des corporations sur les murs extérieurs d’Or’San Michele. Vers 1411-1414, Nanni de Banco exécute Saint Philippe pour la Corporation des cordonniers, Saint Eloy pour celle des maréchaux-ferrants, et l’ensemble des Quatre saints couronnées pour la corporation qui lui est la plus chère, celle des tailleurs de pierre. Il défie à cette occasion la difficulté de loger un groupe dans une seule niche en réunissant les quatre personnages comme dans un colloque solennel, et traite les saints comme des statues antiques. Sans avoir la fougue de Donatello, il peut imprimer à ses compositions un formidable mouvement qui atteint son paroxysme dans l’Assomption de la Vierge, sur le tympan de la porte de la Mandorle. En créant une figure admirable soutenue par des anges, libre de toute matérialité, Nanni di Banco réalise la symbiose des valeurs de l’art sacré médiéval et de l’esprit du Quattrocento. Sa disparition ne fait que souligner encore plus la personnalité d’un autre artiste qui incarne à lui seul la sculpture de la Renaissance italienne dans le deuxième quart du XVe siècle, Donatello.
Dans le relief, les artisans son vêtus de la tenue qu’ils portaient dans les ateliers florentins. Les outils du métier son figurés accrochés sur le mur derrière les artisans. En un certain sens les saints patrons historiques au-dessus bénissent l’activité des figures, qui semblent donc leurs descendants florentins.
En 1423 le Banquet d’Hérode, relief commandé à l’origine à Jacopo della Quercia occupé à la Fonte Gaia de Sienne, fut attribué à Donatello. Tout en intégrant des éléments antiques si subtilement qu’il est impossible de retrouver leurs sources exactes, il créa un récit continu, destiné à être vu d’en haut, à l’intérieur d’un système de perspective linéaire révolutionnaire, articulé par une composition architecturale. L’espace complexe possède trois niveaux : un premier plan comportant deux personnages presque en ronde-bosse ; un plan intermédiaire où un jeune homme joue d’un instrument, ancêtre du violon ; un arrière-plan où un serviteur portant la tête de saint Jean sur un plateau vient à la rencontre d’Hérodiade et de ses servantes.
L’élément révolutionnaire employé par Donatello est le relief écrasé (rilievo schiacciato ou stiacciato), (les Florentins mangent encore un pain aplati nommé schiacciata). Par un effet d’optique Donatello a créé une perspective atmosphérique, en diminuant l’épaisseur du relief sculpté sur une surface bosselée. À l’extrême, seule une ligne mince est gravée sur la surface; c’est le cas des arbres à l’arrière-plan. Seul Masaccio, dix ans plus tard, dans la chapelle Brancacci, utilisa cette perspective en peinture.
Le naturalisme de Donatello
Si Donato di Niccolò di Betto Bardi dit Donatello (vers 1383-1466) est associé à l’épanouissement de Florence, où il entretient des relations étroites avec Ghiberti, Brunelleschi et Michelozzo, si l’on retrouve sa signature dans la plupart des grandes réalisations de sa ville natale, son rayonnement déborde largement le cadre de la Toscane. Méconnu dans sa formation, Donatello s’impose par une longue carrière jalonnée de commandes et de réalisations prestigieuses. Parmi celles-ci on relève les trois saints pour les niches d’Or’San Michele, réalisés de 1411 à 1423, quatre prophètes et l’ensemble d’Abraham et Isaac pour le campanile de la cathédrale, entre 1415 et 1436, les monuments funéraires du cardinal Cossa au Baptistère et du cardinal Brancacci à Naples de 1421 à 1431, un relief et des figures en bronze pour les fonts baptismaux de Sienne (1423-1429), la Chaire extérieure de la cathédrale de Prato et la Tribune des Chantres du Duomo de Florence, sur lesquelles il travaille pendant dix ans à partir de 1428 ; On lui doit encore les portes de bronze et les pendentifs de la sacristie de San Lorenzo ainsi que les chaires de bronze de la même église. À Padoue, où on l’appelle de 1443 à 1453, il réalise le monument équestre du Gattamelata et l’ensemble monumental de l’Autel de la basilique de Saint-Antoine (Altar del Santo). À ces œuvres religieuses s’ajoutent enfin les commandes passées par les Martelli, qui protègent l’artiste dans sa jeunesse, et par Cosme de Médicis, qui » portait tant d’amour à sa valeur, écrit Vasari, qu’il ne cessait de lui donner du travail « .
Entre 1408 et 1412, Donatello réalisa pour le Duomo son David qui fut placé au Palazzo de la Signoria en 1416 après avoir été vendu à la ville et être devenu, du personnage de l’Ancien Testament qu’il était, un héros civique aux connotations profanes. Le vêtement fut sans doute recoupé à cette date pour laisser voir la jambe du jeune homme. C’est dans la tête de Goliath qu’on trouve l’annonce du réalisme psychologique et de la puissance d’expression de Donatello. Ce David, l’un des premiers dans la sculpture monumentale où il est représenté un jeune homme (comme dans la Bible), oscille entre le monde gothique et celui de la Renaissance. Sa pose assurée, pas vraiment en « contrapposto », et son grand manteau ne sont pas étrangers à l’apprentissage de Donatello dans l’atelier de Ghiberti.
Dans la Tribune des Chantres, Donatello a sculpté une frise continue de putti bachiques sur trois côtés de la galerie, inspirée de sa frise plus ancienne sur la chaire extérieure du Duomo de Prato réalisée avec Michelozzo. Sa Cantoria possède des paires de colonnes dégagées (soulignées par des tesselles) derrière lesquelles cabriolent les putti. On a cité des nombreuses sources antiques pour les putti, les ornements et les détails architecturaux (notamment les temple de la Concorde pour ces derniers), mais l’artiste les a assimilés à tel point que l’identification est impossible. Ces éléments, mélangés à l’inventive de Donatello, se retrouvent dans la littérature humaniste, qui mettait en valeur l’assimilation des sources, devenues impossibles à déceler.
Sur les chantiers où exercent les grands artistes florentins – la cathédrale et l’église d’ Orsanmichele – Donatello se distingue immédiatement de ses contemporains. D’inspiration religieuse, ses premières statues, toutes de marbre, révèlent déjà les traits caractéristiques de son œuvre, et en particulier l’intensité d’expression, le dynamisme des formes. Alors que la sculpture antique recherche l’idéal et l’harmonie, dans la sérénité de l’expression, Donatello s’attache surtout à la manifestation des sentiments. Il assimile les leçons de l’art antique, dont il retient la composition et la proportion, la technique pour le poli de marbre et le traitement du bronze, et l’aisance des mouvements. Mais il se détourne de l’Antiquité pour penser seul la statue et son cadre et traiter les sujets selon une approche personnelle. Donatello profite de la grande statuaire pour maîtriser l’attitude des personnages, leurs vêtements et l’expression des visages. Le relief, pour sa part, lui donne l’occasion de résoudre les problèmes de l’espace et de la perspective. Dans les deux domaines, il abandonne progressivement le marbre au profit du bronze, mieux adapté aux innovations techniques. La statue de Donatello se libère des cadres étroits pour gagner une existence autonome. Vers 1433, les Prophètes du campanile, qui appartiennent à la première génération de ses œuvres, hésitent encore à sortir de leurs niches, mais l’effigie du Gattamelata à Padoue (1444) et Judith et Holopherne sur leur socle cylindrique sont conçus pour êtres contemplés de plusieurs points de vue.
Dans cette statue du célèbre condottiere, Donatello qui s’inspire d’un monument équestre de l’Antiquité ( le Marc Aurèle sur la place du Capitole à Rome), conduit le sculpteur à l’une de ses plus hautes réalisations : les solides volumes du groupe, parfaitement calibrés, s’animent à travers l’intense palpitation du modèle, à travers le portrait du héros subtilement individualisé, figé dans une expression de tension contenue.
Cette œuvre, pour laquelle on ne possède pas de document, est signée sur le coussin ; elle est postérieure à la période padouane de l’artiste – si l’on en juge par des achats connus de bronze et par son style. Elle a pu être commandée pour les Médicis. Après le départ de ces derniers, elle fut exposée en 1495 avec le David au Palazzo Vecchio pour proclamer le triomphe de la république. Les personnages entrecroisés dans l’attitude du vainqueur dominant le vaincu poussent le spectateur à faire le tour de l’œuvre comme cela ne s’était plus vu depuis l’Antiquité (effet exagéré au siècle suivant par la figura serpentinata). Donatello a représenté le moment crucial de l’histoire : avec une fermeté inflexible, Judith lève son cimeterre pour asséner le coup fatal. Des innovations techniques rehaussent l’œuvre : Donatello a utilisé une étoffe véritable lors de la fonte (la chaîne et la trame sont visibles dans la coiffure). Le ciselage et les retouches augmentent l’intensité dramatique ; la dorure de l’arme, révélée par la restauration, met en lumière la caution divine donnée à l’acte de Judith.
Fidèle à l’héritage antique dans le domaine du relief, Donatello en perfectionne la technique en introduisant deux nouveautés essentielles : d’une part, il adopte la perspective linéaire et crée l’illusion (rilievo schiacciato) en réalisant un premier plan saillant tandis que le fond est irisé, pour renforcer la cohésion des scènes traitées et rendre plus intense l’unité dramatique des œuvres (Assomption pour Orsanmichele, aujourd’hui au musée dell’Opera del Duomo). La sculpture de Donatello semble ainsi entièrement traversée par le naturalisme le plus expressif. Soutenue par une technique parfaite, sa sensibilité lui permet de traduire dans le marbre, le bronze ou le bois les sentiments les plus complexes. Le Saint Georges de marbre destiné à Orsanmichele montre une paisible énergie, dans la pose et la forme du visage. L’Habacuc du campanile est déjà travaillé par les visions. Mais la plus belle réussite de la » période classique » de Donatello est son David de bronze qui porte avec nonchalance un corps jeune et luisant, bien proportionné, magnifiquement équilibré, sa forme épurée réfère à l’art grec et revendique un réalisme qui ne recherche pas de proportions idéales. En 1455, dans la Madeleine du Baptistère, Donatello offre l’image symbolique de la transe qui s’empare du sculpteur. Pour montrer la décrépitude physique et la supplique du personnage, il choisit de travailler le bois, qu’il traite comme le bronze, pour jouer avec les formes, le mouvement et la lumière. Avec une force extraordinaire, il réaffirme ses convictions artistiques en poussant le détail jusqu’au paroxysme. C’est cette vigueur qu’il impose à ses contemporains, alors que son art s’éloigne souvent de l’esprit de la Renaissance et que l’atelier de Luca della Robbia diffuse, dans un style nouveau, des œuvres d’une grande douceur.
Vers 1436, Donatello commença une série de prophètes pour les niches en haut du campanile de Florence. La commande de ces prophètes sans attributs concernait des types génériques, catalogués par exemple comme « prophètes sans barbe ». Les prophètes de Donatello étaient tous individualisés, tel celui en qui l’on reconnaît généralement Habacuc. Depuis le XVIe siècle, la statue porte le nom de Zuccone, à cause de sa calvitie. Bien que sommaires, les traits hardiment ciselés – la large entaille de la bouche par exemple – semblent vivants vus de loin. Ce réalisme surpasse les portraits romains du IIIe siècle de notre ère dont s’était imprégné Donatello. Le regard du personnage est dirigé vers le bas, ses lèvres sont ouvertes comme s’il prophétisait. Vasari rapporte qu’en le sculptant, Donatello s’exclama : » Parle, parle, qu’il te vienne une bonne colique. » Aucune œuvre ne pouvait être plus éloignée de l’élégance de Ghiberti.
Donatello, digne d’être comparé aux Anciens par la maîtrise avec laquelle il sait placer ces statues, Vasari rapporte une épitaphe, perdue, destinée à Donatello, mort en 1466 : » La sculpture voulut que sa renaissance fût confiée par les Florentins à Donatello, comme à l’homme susceptible de lui rendre tout seul, en une vie et par des innombrables œuvres, ce qu’elle avait acquis en noblesse et en renom grâce à d’excellents artistes durant de nombreux siècles et qu’elle avait perdu sous l’injure du temps. Il rapporta à sa patrie, qui l’avait méritée, la palme de cette vertu retrouvée « . De son vivant déjà, Donatello était célèbre et faisait partie des sept artistes cités par l’humaniste génois Bartolomeo Fazio dans son ouvrage De viris illustribus (vers 1456) parmi lesquels Pisanello et Gentile da Fabriano. Dans leur ensemble, ses œuvres très individualisées le désignent comme un caméléon, changeant selon la commande, qui parvint à une variété de compositions et à une liberté rarement égalées. Il réinterpréta en profondeur maints sujets grâce à sa compréhension des comportements et des cultures et élargit également les possibilités techniques de différents moyens d’expression. Son œuvre incarne la liberté artistique et intellectuelle de la Renaissance qu’il contribua à façonner.
Donatello a aussi été considéré comme le créateur du buste. Le buste daté le plus ancien a été sculpté en 1453 par Mino da Fiesole, mais à l’époque le genre était déjà répandu. La paternité de Niccola da Uzzano (mort en 1433) en terre cuite – identifié grâce à sa ressemblance avec d’autres portraits du banquier humaniste – a été tout à tour attribuée puis retirée à Donatello pour la même raison : son réalisme sans concession. La toge ne laisse aucun doute sur le portrait à la mode antique.
Donatello : l’Autel du Santo à Padoue
En 1443, Donatello fut appelé à Padoue pour réaliser le monument équestre du condottiere Erasmo de Nardi, dit le Gattamelata. En attente des décisions concernant le monument, il travailla aussi dans la basilique de Saint-Antoine (ou basilique du Santo), à l’enceinte de chœur. L’artiste n’imaginait pas qu’il réaliserait dans cette ville son œuvre la plus importante : l’Autel du Santo. L’autel monumental était constitué de sculptures de bronze en ronde-bosse et de reliefs tout autour de la base. Toutefois, au XVIe siècle, on le démembra de telle sorte que l’agencement actuel des sculptures et des reliefs (remontant au XIXe siècle) ne correspond nullement à l’aspect d’origine. Cet autel, réalisé de 1447 à 1450, compte en tout vingt-neuf sculptures. Dans les reliefs des Miracles du saint, comme dans les reliefs florentins de la sacristie de Saint-Laurent, les règles de la perspective selon Brunelleschi sont forcées de façon particulière, pour accentuer la profondeur de l’espace, chargé de contenir la multitude dramatique des figures, représentées dans un modelé extrêmement nerveux et palpitant. L’ensemble, avec la couleur des marbres, le bronze, l’or et l’argent des décorations, devait produire un effet scénographique saisissant. Les sculptures de l’Autel du Santo marquent une nouvelle étape dans l’évolution de l’artiste. La recherche des effets de lumière et des moyens d’expression se fait plus poussée, comme l’attestent les sculptures en ronde-bosse. Dans la série des Miracles, Donatello obtint avec la technique du méplat aux surfaces raboteuses où la lumière se brise, en éclairant de vastes profondeurs, une atmosphère vibrante. Les figures éthérées, baignant dans cette atmosphère, deviennent, elles aussi, des vibrations de lumière attirées continuellement par le fond. Mais jamais, jusqu’à présent, l’architecture n’avait été aussi bien mise en valeur. En effet, dans les quatre Miracles, le mouvement tumultueux de la foule qui se presse est rythmé par la scansion géométrique des éléments architecturaux, qui deviennent les vrais protagonistes de la scène.
La mule, principal protagoniste, s’agenouille devant l’hostie que lui présente saint Antoine. Le saint et l’animal sont seuls devant l’abside centre d’une église à trois nefs. La foule stupéfaite se presse devant les gros arcs latéraux pour mieux voir le miracle. Elle gesticule avec animation, passe les portes en se bousculant et s’introduit entre les colonnes. Le mouvement des personnages est tel qu’ils dépassent même les limites imposées par la composition pour grimper sur les piliers au premier plan.
Le séjour de Donatello à Padoue acquiert une importance historique exceptionnelle, surtout parce que l’artiste introduisit, avec son interprétation dramatique et originale, le goût et le langage de la Renaissance florentine dans un milieu encore lié aux traditions gothiques. Spécialement à travers la peinture de Mantegna qui subit profondément l’influence des œuvres de Donatello réalisées à Padoue, les nouveaux idéaux de la Renaissance se répandirent rapidement dans toute l’Italie du Nord.
Le motif du « putto »
Emprunté aux sarcophages antiques, le motif du putto (figures de petits enfants ou angelots) était réapparu dans un contexte funéraire sur les flancs du Tombeau d’Ilaria del Carretto à Lucca sculpté par le Siennois Jacopo della Quercia (1406). Donatello contribua à en faire un motif d’animation décorative universel. En 1429, pour le baptistère de la cathédrale de Sienne, il fournit trois des six putti nus, qui couronnaient le tabernacle de marbre. Hautes d’un pied environ (36 cm), ce sont les premières statuettes de bronze en vraie ronde-bosse du XVe siècle. Il revint sur ce thème dans un contexte civil avec une figure de jeune faune écrasant un serpent (Florence, Bargello), qui couronnait peut-être une fontaine, avant de sculpter en relief des putti dansants pour la Chaire extérieure de la cathédrale de Prato (1434-1438, Prato, musée de l’Oeuvre, assez endommagés) et pour une tribune de la cathédrale (1433-1439), où il se trouva en compétition avec celle commandée à Luca della Robbia (1431); sur le socle de la Judith Médicis, des putti ivres s’inspirent d’un relief antique du Campo Santo de Pise.
Cette statuette en bronze a été mentionnée par Vasari en 1568 comme un Mercure par Donatello se trouvant dans la maison de Giovanbattista d’Agnolo Doni. Au XVIIIe siècle, elle a été mise en vente par la famille Doni en tant qu’idole étrusque, selon les indications de plusieurs experts. L’attribution à Donatello par Vasari a été acceptée et la statuette a été étiquetée sous de noms divers : Mercure, Persée, le jeune Hercule, Atys aimé de la déesse Cybèle, Cupidon. La statuette a été conçue dans le même esprit que les putti de la Tribune des chantres de Santa Maria del Fiore. Des traces de dorure peuvent êtres vus sur la ceinture, les cheveux et les ailes.
Dans la danse des putti, le mouvement est libre et ininterrompu, en une vision mythique, ou l’abandon à une folle vitalité célèbre son triomphe comme dans un mystère dionysiaque. Ce sont des anges peu orthodoxes et rondelets en drapés diaphanes, descendants de ceux des sarcophages antiques, qui portent des couronnes symbolisant la victoire et la vie éternelle.
Ghiberti ou le relief narratif
Lorenzo Ghiberti (Florence 1378 – 1455) apprend le métier d’orfèvre auprès de son père Ugoccione et de son beau-père Bartoluccio. En 1401, alors qu’il était à Pesaro, où il fuit la peste et les désordres politiques qui bouleversent Florence et où il réalise des peintures à la cour des Malatesta, il apprend qu’un concours est organisé pour l’attribution de la deuxième porte en bronze du baptistère, Ghiberti revint à Florence. En effet, en 1401, la Calimala, la corporation florentine des marchands de laine, responsable de l’entretien et de l’embellissement du baptistère San Giovanni, organisa un concours ouvert » aux maîtres talentueux de tous les pays d’Italie » pour la création d’une seconde porte, la première ayant été réalisée par Andrea Pisano de 1330 à 1336. Première compétition artistique publique des temps modernes, ce concours caractérise bien le climat d’émulation qui fait l’une des singularités de Florence. Les sept maîtres toscans qui y participèrent durent sculpter à titre d’essai un panneau sur le thème du sacrifice d’Isaac. Le jury, composé de trente-quatre notables florentins écarta le projet du Siennois Jacopo della Quercia, mais hésita entre Brunelleschi et Ghiberti pour choisir finalement ce dernier. Que les deux reliefs (aujourd’hui au Bargello) aient été conservés et non fondus comme les cinq autres, peut apparaître comme l’un des premiers témoignages de l’intérêt de l’âge moderne pour les traces du travail de l’artiste. Son succès changea l’orientation de sa carrière. Les portes du baptistère l’occupèrent toute sa vie, mais il se trouva mêlé à toutes les entreprises de la ville ( » peu de chose s’est fait à Florence sans qu’il y ait mis la main « ), statues pour l’Orsanmichele, chantier de la cathédrale, etc. Collectionneur d’art antique, lié d’amitié avec les humanistes florentins, il rédigea à la fin de sa vie des Comentarii (Commentaires) qui contiennent une histoire de l’art antique, inspirée de Pline et de Vitruve, et de l’art toscan de Giotto jusqu’à son temps, où Duccio et Giotto lui apparaissent déjà comme ayant accompli la renaissance de l’art antique. On y trouve aussi un récit de sa vie, premier témoignage autobiographique d’un artiste. Chacune des pages illustre la profonde religiosité dont sont empreints sa vie et son travail. Il n’aspire pas seulement à proclamer les vérités de la foi chrétienne dans ses œuvres, mais y voit aussi une parenté avec les statues classiques qui, selon lui, son l’expression des plus hautes qualités intellectuelles et morales de la nature humaine. Les deux portes du baptistère sont signées par un autoportrait, une tête surgissant d’un médaillon, l’une des premières signatures figurées de la Renaissance (mais, en 1378-1379 déjà, dans l’Europe centrale » gothique « , Peter Parler s’était représenté en buste à côté de l’empereur et des dignitaires de l’Église dans le triforium de la cathédrale de Prague).
La porte dite » du Paradis » suit un programme établi par Leonardo Bruni qui donne lieu à une modification de la structure du portail. Ghiberti ramène le nombre de compartiments de vingt-huit à dix. Le sculpteur doit traiter donc dans la même composition toute une série d’événements, et l’ensemble de ces séquences implique nécessairement un nouveau principe d’exécution. Dès 1440, les dix reliefs sont prêts ; la production des figures de marge, de l’encadrement et la mise au point technique sont achevées en même temps que la dorure, au printemps de l’an 1452. La beauté de cette œuvre provoque une telle admiration qu’on décide de la placer face au grand portail de Santa Maria del Fiore et de transférer au côté sud la porte d’Andrea Pisano.
L’autoportrait que Ghiberti insère à la porte du Paradis parmi les têtes de prophètes et les personnages bibliques qui encadrent chaque panneau montre le visage d’un homme empreint d’un réalisme accusé : l’homme est tête nue, comme un citoyen romain, sans aucune marque d’appartenance corporative. Ghiberti affiche donc sa » virtus » (force morale) à l’antique, sous une apparence intemporelle qui donne à cet autoportrait une autorité incomparable, encore soulignée par la signature, devenue une manifestation de fierté et d’assurance.
En 1403, on décida de remplacer les scènes de l’Ancien Testament prévues par des scènes du Nouveau Testament. Le travail qui accapare Ghiberti pendant des années a nourri une génération d’artistes et leur a servi d’école. Dès 1407, ils sont plus de vingt-cinq à l’assister dans son œuvre. On croise sur ce chantier Uccello, mais aussi Michelozzo, Donatello et Bernardo Ciuffagni, qui n’a pas encore accédé à la célébrité. Dans les panneaux les plus anciens, comme l’Annonciation ou l’Adoration des mages, les lignes fluides, les proportions sveltes, la délicatesse des gestes relèvent du style gothique international ; mais dans la Flagellation, le Christ se dresse contre la colonne avec la dignité d’une statue antique, écho probable du voyage de Ghiberti à Rome (1416) et du singulier climat culturel florentin. Dans le compartiment qui relate l’Histoire d’Adam et Ève jusqu’au péché originel, l’influence de l’Antiquité est manifeste dans le personnage d’Ève, posant en Vénus pudique.
Au contact des œuvres de Donatello et de Brunelleschi, l’artiste découvre pourtant une nouvelle voie pour rendre le relief spatial. Il témoigne de son ouverture aux nouvelles tendances stylistiques en traitant entre 1417 et 1427, les reliefs en bronze du Baptistère de Sienne selon la perspective linéaire. Pendant cette période, il explore toutes les possibilités que lui offre le relief narratif, et c’est à Florence, bientôt, dans la troisième porte du Baptistère, qu’il touche à la perfection. En effet, la réussite de Ghiberti engagea le Arte di Calimala à lui commander la troisième porte en 1425. Commencée en 1429, achevée en 1452, elle fut jugée si belle qu’on l’installa à la place d’honneur, face à la cathédrale -on commença à l’appeler la » porte du Paradis » au XVIe siècle -, peut-être à la suite d’un mot de Michel-Ange. Rompant avec le dessin de Pisano, Ghiberti, qui avait reçu carte blanche, définit dix grands panneaux carrés de bronze doré, où il développa des histoires de l’Ancien Testament, encadrées de panneaux verticaux à niches et médaillons. Dans les deux panneaux centraux, Histoire de Joseph et Histoire de Jacob, Ghiberti semble vouloir répondre aux recherches de Brunelleschi sur la perspective ; il organise ses panneaux comme des tableaux en jouant sur le dégradé du relief, selon un principe qui va rester l’un des principes structurants des bas-reliefs modernes : groupes en haut relief au premier plan, figures en demi-relief au second plan, fonds d’architectures en très bas relief, construits selon les règles de la perspective, qui permettent de caler les groupes et les figures. Le bas-relief rivalise ainsi avec la peinture pour la mise en scène d’une histoire.
Luca della Robbia et les arts décoratifs
Dans la préface à son traité sur la peinture De pictura (De la peinture), Alberti attribue à Luca della Robbia – et à Brunelleschi, Masaccio, Ghiberti et Donatello, plus établis – la création du style Renaissance. On sait peu de choses sur la jeunesse de Della Robbia, mais il fut sans doute formé à l’atelier de Ghiberti. Son style semble indiquer qu’il apprit la sculpture du marbre avec Nanni di Banco et l’on pense qu’il a achevé l’Assomption de ce dernier. Sans aucun doute, ses sculptures, dont le charme annonçait la grazia de Raphaël, plaisaient à un public plus large que les oeuvres mystérieuses de Donatello. Elles sont compréhensibles, mais leur aspect désinvolte dément une étude rigoureuse. L’apport le plus important de Luca della Robbia réside dans sa technique : selon Manetti et Vasari, il » inventa » la terre cuite vernissée. Jusqu’en 1441 il travailla surtout le marbre ; la première terre cuite vernissée datable apparaît avec le Tabernacle du sacrement, réalisé pour Sant’Egidio à l’hôpital de Santa Maria Nuova (1441-1443). L’effet stupéfiant de ses vernis bleus et blancs, ainsi que leur résistance et leur coût peu élevé expliquent leur popularité. Cette technique était une brillante adaptation à la sculpture monumentale des vernis émaillés des céramistes (colorés au plomb ou à l’étain par différents oxydes métalliques). Della Robbia aménagea le procédé de manière à obtenir des surfaces brillantes et des tonalités différentes de celles de la majolique. Durant près de soixante-quinze ans, le secret de la formule fut gardé par l’atelier des Della Robbia où travaillèrent Andrea, Luca, et Giovanni, son petit-neveu, même si d’autres sculpteurs de Toscane et d’ailleurs réalisèrent des produits semblables.
Au XVe siècle, pour répondre à la demande croissante d’un enseignement didactique et domestique, un nombre étonnant d’images pieuses de la Vierge à l’Enfant fut produit à Florence, où presque tous les foyers prospères en possédaient plusieurs. Luca della Robbia en créa beaucoup selon deux formules : des œuvres uniques et d’autres destinées à la production en série dans son atelier. Après 1460, Andrea della Robbia, neveu de Luca avec lequel il collaborait parfois et qui lui transmit sa technique, se mit à développer ce moyen d’expression. Andrea et les siens s’essayèrent à des retables en terre cuite, créant ainsi un lien avec ceux des peintres contemporains. Ces retables – produits en série à partir de moules – ainsi que les images pieuses, assurèrent la prospérité de l’atelier Della Robbia jusqu’au siècle suivant.
En 1448 Luca della Robbia réalisa les premiers personnages dégagés en terre cuite vernissée – deux anges acolytes avec des ailes en bois pour le Duomo. Il collabora avec Brunelleschi et exécuta des médaillons pour la chapelle des Pazzi de 1442 à 1461. Après la mort de Brunelleschi (1446), le talent de décorateur de Luca della Robbia s’exprima sur la voûte de la chapelle du cardinal de Portugal à San Miniato al Monte. Pour Pierre de Médicis, il décora non seulement une partie de la chapelle de la Crucifixion à San Miniato, mais aussi son luxueux cabinet de travail privé au palais Médicis ; de celui-ci, seuls subsistent les superbes tondi émaillés blanc, bleu et or représentant les Travaux des Mois et inspirés du De re rustica de Columelle.
Achevée en 1438, l’oeuvre faisait pendant à la Cantoria de Donatello. Le sujet traité par Luca dans le marbre est le psaume Laudate Dominum. Les reliefs de la tribune illustrent, mot à mot, chaque verset. Les groupes d’enfants sont répartis dans les panneaux rigoureusement encadrés de pilastres jumelés, selon le rôle qu’ils tiennent dans le chœur. Les visages des enfants, pleins de grâce et de candeur, sont transformés par la musique qui apparaît comme une purification. Ils expriment le bonheur de l’harmonie parfaite.
À la lumière des productions qui sortent de l’atelier de Luca della Robbia, on comprend que la Renaissance florentine au Quattrocento n’a pas seulement affecté les arts considérés comme majeurs, mais qu’elle a trouvé un écho extraordinaire avec les arts décoratifs. Tantôt, elle ne fait que greffer son style sur des domaines que les hommes du Moyen Age maîtrisaient déjà parfaitement ; tantôt, comme le montre l’aventure de Luca della Robbia, elle retrouve des techniques et développe alors de nouvelles formes d’expression.
Le modèle ressemble à des portraits contemporains, sculptés en ronde-bosse, de femmes peintes de profil : celle-ci est vêtue à la dernière mode florentine et son haut front rasé et aristocratique est couronné de fins cheveux tombant en cascade d’un diadème. Le sens de l’œuvre est toujours sujet à controverse : s’agit-il d’un portrait ou d’une image idéale de beauté féminine de l’époque ? L’hésitation et la vivacité de la jeunesse, la spécificité des traits, le regard pénétrant et la tête tournée de côté sont saisis avec tant de finesse que le buste a sans doute été modelé d’après nature. Par sa représentation aigre-douce de la fragilité de la jeunesse et de la beauté, cette œuvre est à rapprocher des textes néo-platoniciens.