Le Greco : de Crête à Tolède
Né en Crête, et d’abord formé comme créateur d’icônes, Domenico Theotokopoulos, dit le Greco (Héraklion 1541 – Tolède 1614) forgea très lentement le style qui caractérise son œuvre espagnole. Son séjour à Venise (1568-1570), fut capital pour sa formation ; il garda une vénération pour Titien -« le meilleur imitateur et connaisseur de la nature », écrivait-il – et un répertoire de compositions empruntées à Tintoret. Le Greco était arrivé à Venise venant d’un pays lointain où l’art n’avait pas sensiblement évolué depuis le Moyen Âge. Il avait dû voir dans les églises de son pays des peintures à la manière byzantine, rigides, solennelles et plutôt conventionnelles. Peu familiarisé avec la notion de correction dans le dessin, il fut attiré tout naturellement par l’art de Tintoret, auquel il ne trouvait rien de choquant ni d’insolite (tous deux se servirent du maniérisme du centre de l’Italie et y puisèrent ce dont ils avaient besoin pour leur expression personnelle). Il semble qu’une ferveur religieuse et passionnée ait poussé le Greco à raconter les épisodes sacrés d’une manière nouvelle et saisissante. Son installation à Rome (1570-1577), lui révéla le traitement michelangelesque des corps et un milieu d’humanistes qu’il retrouve à Tolède. Dans cette ville érudite, déjà sensibilisée au maniérisme italien par le décor sculpté d’Alonso Berruguete dans la chœur de la cathédrale, le Greco put librement développer sa propre manière, fondée sur une abstraction de plus en plus forte des formes, de l’espace pour privilégier la couleur, la lumière et, surtout, le sentiment traduit par le geste, le canon maniériste de l’élongation des corps, renforcé par la position généralement très basse de l’horizon qui donne toute sa monumentalité.
Dans les tableaux de San José de Tolède, l’artiste magnifie les corps allongés et contorsionnés. Il applique la couleur par coups de pinceaux rapides pour développer son concept pictural de plus en plus détaché de la réalité, mais dans la peinture de Saint Martin et le pauvre il ajoute un paysage délicieux avec une vue de Tolède en arrière-plan.
Cette Visitation, très tardive, rappelle la Visitation de Pontormo à Carmignano, non seulement dans la relation entre les figures, vues en partie d’en bas, mais aussi dans leurs rapports avec le décor architectural.
Le Christ chassant les marchands du Temple
Le Christ chassant les marchands du Temple Il s’agit d’un thème cher au peintre qui l’a interprété à maintes reprises, à divers moments de sa carrière : la confrontation entre les différentes versions permet de suivre l’évolution stylistique du peintre. Un sujet agréable dans les années de la Contre-Réforme, était celui de la nécessité de purifier l’Église, et l’artiste le traite différemment à chaque tableau, bien que les grandes lignes sont demeurées inchangées. La première version Le Christ chassant les marchands du Temple ou L’expulsion des marchands du Temple (vers 1572-74) ne reflète qu’en partie ce que vit le Greco à Venise les années précédentes ; il fut sans doute peint à Rome, car l’architecture est celle d’une basilique typiquement romaine, tandis que l’arrière-plan architectural de certains tableaux plus anciens s’inspire des planches de décors de Serlio pour le théâtre. Quatre portraits figurent au premier plan : Titien son maître, Michel-Ange, Giulio Clovio son ami et protecteur à Rome, et Raphaël. La composition est étrange, mais la puissante diagonale de l’architecture est semblable à celle de la Guérison de l’aveugle (Dresde et Parme) et de la version de Washington des Marchands du Temple plus ancienne.
Le sol aux formes bizarres et aux multiples niveaux, la masse compacte des figures déportées d’un côté, les femmes opulentes à demi nues, les torses vigoureux des jeunes hommes et surtout la palette indiquent des recherches et des emprunts divers, mais aussi une vision nouvelle.
L’étrange procédé des quatre mentors est manifestement issu de la Visitation de Salviati (1538) à San Giovanni Decollato (Rome); on y retrouve les mêmes effets dans le décor architectural et les figures secondaires.
Quand le Greco se fixa en Espagne, à Tolède, il devait y retrouver quelque chose de son pays natal, car l’idéal artistique de Moyen Âge y vivait encore. Ce fait peut expliquer, dans une certaine mesure, l’audace avec laquelle le Greco, plus encore que Tintoret, s’est écarté des formes et des couleurs naturelles, à la recherche d’une vision dramatique et émouvante.
Les formes serpentines peuvent être utilisées pour mettre en valeur un « élan vertical », indice éventuel d’un élan spirituel, les paradoxes raffinées s’accordent mal avec l’attitude chrétienne de la foi ou de la dévotion, les principes du concile de Trente : émouvoir, inciter à la dévotion, rappeler les martyres et les béatitudes des saints. Le maniérisme rompt avec la tradition de la pleine lumière de la Renaissance, donnant les premiers nocturnes où apparaît le contraste chromatique entre les zones d’ombres et zones éclairées. La lumière investit certains des aspects formels de la peinture du Greco ; elle ne se départait cependant pas de sa forte valeur spirituelle.
Le style très personnel du Greco, expression d’une spiritualité visionnaire, est caractérisée par des silhouettes allongées et par une accentuation dramatique du contraste de l’ombre et de la lumière.
Santo Domingo el Antiguo – L’Espolio
En 1577, le Greco reçut la commande du maître-autel et de deux autels latéraux à Santo Domingo el Antiguo à Tolède. D’après un commentaire du Greco durant le procès pour le paiement de L’Espolio, il vint apparemment à Tolède pour les peindre ; il se serait d’abord rendu à Madrid où il aurait cherché vainement un mécène. Toutes les peintures du maître-autel sauf deux furent plus tard vendues et dispersées; les autres autels restèrent dans l’église. Le maître-autel se composait d’une Assomption (Chicago), d’une Trinité (Prado) et de quatre saints dont deux sont toujours en place. Les autels latéraux comportent une Adoration des bergers et une Résurrection. L’influence de la gravure de 1511 de Dürer sur la Trinité est évidente. L’autel de la Résurrection rappelle beaucoup le mouvement circulaire de la chapelle Pauline, avec des figures issues de Pontormo et du Parmesan; l’Adoration des bergers est une variation sur le thème du Corrège.
Les dimensions de ce tableau sont étonnantes: jusqu’alors, le Greco n’avait jamais exécuté d’œuvres de plus de 1,50 m de large; ce tableau mesure plus de 3 m de haut et ses dimensions ne posent nulle part problème. Ceci s’applique encore plus à l’Assomption (plus de 4,80 m de haut).
L’Espolio fut commandé pour la sacristie de la Cathédrale juste après les autels de Santo Domingo. De nombreuses variations furent réalisées plus tard et l’atelier produisit quantité de copies. Les autorités voulurent d’abord refuser la peinture et le Greco intenta un procès pour se faire payer. À première vue, les objections auraient pu révéler une manque de culture artistique – le Christ n’était pas dominant, les têtes des voleurs et des bourreaux dépassaient la sienne, les saintes y figuraient alors que le texte dit qu’elles regardaient de loin -, mais elles témoignent surtout d’une application littérale des règles de la Contre-Réforme sur la bienséance en peinture. Heureusement, les assesseurs déclarèrent que le tableau dépassait son prix.
L’œuvre du Greco est profondément influencée par Titien – style, technique, figures. La composition surchargée, avec une pléthore de personnages au premier plan, sera admirée et imitée par Goya et Picasso.
L’imagination visionnaire du Greco
Une des preuves les plus élevées de l’imagination visionnaire du Greco, se manifeste avec son détachement progressif par rapport aux conventions de représentation naturalistes et rationnelles de la culture de la Renaissance, et s’affirme sa tendance vers une représentation visionnaire qui exalte les possibilités d’expression de la couleur, des contrastes de lumière, des tensions au sein de la composition. Dans les œuvres suivantes (de la Crucifixion du Prado aux tableaux de la chapelle de San José à Tolède, à ceux pour l’Hôpital de la Charité à Illescas et à l’Adoration des Bergers du Prado) apparaissent des images extatiques, spirituelles et transfigurées dans la lumière, émergeant comme dans un tourbillon de profondeurs de l’espace, non définies rationnellement mais créées par de violentes tensions de couleurs et de lumière. Le souci de traduire une vision intérieure à travers des images dépourvues le plus possible d’éléments corporels et naturalistes.
Ce grand tableau faisait partie d’un retable monumental commandé par le collège de l’Incarnation de Madrid. Typique de la dernière période de l’artiste, avec ses couleurs très contrastées et les figures allongées, représente la réunion des apôtres au Cénacle cinquante jours après la résurrection du Christ. Le Saint-Esprit, symbolisé par une colombe et la flamme au-dessus de leur tête, descend vers la mère de Jésus (au centre) et les apôtres.
Sous les yeux de l’Inquisition
Philippe II (1556-1598), soutien zélé de la Contre-Réforme, s’employa avec ferveur à défendre la vraie foi dans un empire qu’il aurait souhaité uniformément catholique. Sa violente politique de répression du protestantisme provoqua la révolte ouverte des Pays-Bas. Son activité de mécène fut tournée essentiellement vers la construction et décoration d’un immense palais, image suprême de puissance et de richesse. Avec la solidité qui représentaient ses tableaux antérieurs, en termes de prestige parmi ses contemporains, il est raisonnable de supposer que le Greco aurait fait face avec un certain optimisme à l’engagement pour la réalisation d’une grande toile pour l’Escurial avec le thème du Martyre de saint Maurice et ses compagnons. Exécutée dans les années 1580 à 1582, la toile déplaît au roi Philippe II, et par conséquent ont été fermées au peintre les attrayantes sphères de la cour. L’art du Greco reflétait un monde que Philippe refusait de reconnaître. Il se détourna du seul artiste qui aurait pu résoudre ses problèmes de mécénat et les difficultés concernant la décoration de l’Escurial qui l’amenèrent a faire venir des œuvres et des artistes italiens mineurs; il ne pouvait pas accepter que la tension présente dans l’imagerie du Greco reflète la réalité du monde qu’il avait contribué à créer autour de lui.
La palette éclatante et surprenante, les étranges plongées dans les groupes serrés des figures au loin qui caractérisent les œuvres maniéristes et dénotent une sombre tournure d’esprit, une quête anxieuse de nouvelles solutions à des anciens problèmes. Ce tableau reflète l’art inquiet de Pontormo.
Le Songe de Philippe II ou Allégorie de la Sainte Ligue, (Escorial) fut peint pour Philippe II vers 1579 et doit être regardé à la lumière de La Gloire de Titien, allégorie du salut avec Charles Quint, père de Philippe, comme intercesseur principale des pénitents. Dans cette œuvre, allégorie de la Sainte-Ligue contre l’Infidèle, Philippe reçoit une vision du salut qui ne peut être obtenu que par l’union de la chrétienté contre l’hérésie, détruite dans la bouche de l’Enfer juste derrière lui. Cette œuvre est un exemple typique du style visionnaire qui caractérise les œuvres de la maturité du peintre.
Le Portrait du cardinal don Fernando Niño de Guevara (vers 1600) rappelle l’époque et le moment, très particulier, de l’histoire religieuse dans lequel prend place l’œuvre du Greco. Après la fin du Concile de Trente (1563), on demande aux peintres des œuvres susceptibles de susciter la dévotion populaire, dans lesquelles les protagonistes doivent être des exemples de vertu pour les fidèles. Toute digression ou concession à la fantaisie sont passées ou crible par l’Inquisition qui impose une stricte orthodoxie vis-à-vis de la doctrine et une fidélité rigoureuse aux textes : il est possible que le Greco ait assisté à Venise au célèbre procès de Paolo Véronèse en 1573. Par ailleurs, en Espagne, la seconde moitié du XVIe siècle est aussi l’époque des grands saints mystiques, comme sainte Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix, visionnaires extatiques.
Le portrait du cardinal Fernando Niño de Guevara, Grand Inquisiteur, illustre la perception intensifiée et le choix troublant de l’expression qui évoquent de la manière la plus parlante la puissance terrible et le caractère du modèle et de sa charge. Le cardinal est vêtu de rouge profond ; la dentelle mousseuse se fait l’écho de sa barbe grise et de son visage blême : il produit une impression de majesté glacée.
L’Enterrement du comte d’Orgaz
Une excellente documentation historique et archivistique permet de suivre les étapes de la commande et de l’exécution de ce tableau grandiose, sur la base d’un contrat de 1586, et aussi la controverse qui a suivi entre le peintre et la paroisse au sujet du payement de ce travail. L’Enterrement du comte d’Orgaz, représente le miracle de ce chevalier fidèle et charitable enterré par saint Augustin et saint Etienne devant une foule en pleurs. L’apothéose terrestre est surmontée d’une apothéose céleste vers laquelle l’ange apporte l’âme du défunt pour qu’elle soit jugée et reçoive la grâce. Arrivé à la pleine maturité de ses moyens, le Greco réinterpréta de façon complètement originale son long et complexe parcours d’homme et de peintre. Dans ses différentes œuvres, on peut reconnaître des références au mysticisme des icônes byzantines, aux couleurs du Titien, aux compositions romaines de Raphaël et de Michel-Ange, aux effets de lumière fantastiques du Tintoret et de Jacopo Bassano, aux déformations gestuelles du maniérisme, peut-être même aux compositions de Dürer. Et cependant, l’Enterrement est essentiellement une œuvre originale, et pas seulement le fruit d’une combinaison d’influences diverses. Le Greco fait courir sur toute la surface un frisson d’inquiétude, qui s’exprime dans les expressions fébriles, les mains nerveuses et les yeux humides. À l’intérieur de la composition grandiose et fortement charpentée, le Greco domine la matière picturale, lui communicant des effets jamais vus jusque-là.
Des portraits solennels de personnages vêtus de noir et identifiables dans certains cas comme celui de Jorge Manuel, le fils de l’artiste. Cette interprétation réaliste est complétée par l’interprétation de la broderie, des couleurs chaudes qui couvrent la dalmatique de saint Augustin et saint Étienne ou les abondants reflets qui animent l’armure du comte.
Les portraits du Greco
La « main » du Greco est vraiment caractéristique, même dans une production très variée. Dans ses formidables portraits aussi, il semble toujours ressentir une étrange fièvre, une forme d’excitation retenue qui rend les yeux brillants, les chairs exsangues, les mains aristocratiques, effilées et nerveuses. Surtout, la psychologie du personnage émerge du ressac incessant des coups de pinceau, du clignotement des lumières qui passent et repassent sans fin, dans une composition qui semble sur le point de rompre les amarres et de partir à la dérive. Titien, qui incarnait la structure splendide du portrait déterminant de la Contre Reforme, le Greco a été particulièrement réceptif à cet aspect du travail de son maître: « Un jeune de Candie, élève de Titien, qui … a une rare habilité pour la peinture » il est arrivé à Rome en 1570, et grâce à l’influence du miniaturiste Giulio Clovio, a pu se procurer une chambre dans le palais Farnèse. A Rome, sa familiarité avec les peintures vénitiennes du Tintoret et de Titien pouvait l’obtenir en étudiant les portraits des Farnèse réalisés par Titien et, quand le neveu du cardinal Farnèse, Fulvio Orsini, le chargea de peindre son maître Giulio Clovio, ces leçons ont été reflétées dans le portrait qu’il a réalisé.
Le modèle est représenté à mi-corps, montrant avec sa main droite le Livre d’heures, avec les illustrations réalisées par lui-même un quart de siècle plus tôt et conservées au Palais Farnèse. Lors de la visite de la chambre du Greco pour lui proposer une promenade ensemble, Clovio a remarqué que les rideaux étaient tirés, parce que « la lumière du jour dérangeait sa vision intérieure » et, regardant le portrait de Clovio il est clair que l’étude de la réalité a joué un rôle beaucoup moins important dans le style du Greco que dans tous les grands portraitistes avant lui. D’un point de vue rationnel, la position du personnage est artificielle, l’espace qu’il occupe est indéterminé et le paysage est tellement irréel qui pourrait être confondu avec une peinture qui aurait été accrochée au mur. Ces caractéristiques sont encore plus prononcées dans les derniers portraits du Greco.
A mesure que le Greco avançait dans l’étude du portrait, plus vigoureusement il se concentrait dans la représentation de la pensée et de la personnalité du portraituré, au détriment de son aspect physique. Dans l’un de ses premiers portraits espagnols, le Chevalier avec la main sur la poitrine, vers 1580 (Madrid, Musée du Prado), le modèle est déjà si dématérialisé que l’on pourrait penser qu’il n’a qu’un seul bras, alors que le dernier et le plus important portrait, celui du dominicain Fray Hortensio Felix Paravicino, aujourd’hui à Boston, réalisé à peu près en 1609, la récession du corps est indiquée d’une manière très vague et la chaise a été réduite simplement à une formule visuelle.
Il s’agit probablement du premier portrait existant que Le Greco ait peint à Tolède. Le traitement est lié à celui du portrait de Vincenzo Anastagi de ses dernières années en Italie. À la manière de Titien, la fourrure de lynx a été peinte de manière libre et vigoureuse. Nous ne connaissons pas l’identité de la femme, mais certains critiques concluent qu’il s’agirait du portrait de Jerónima de las Cuevas, compagne du Greco et mère de son fils, Jorge Manuel.
L’Ouverture du Cinquième Sceau
Le tableau l’Ouverture du Cinquième Sceau, il s’agit d’une des peintures les plus extraordinaires du Greco. Décrit un passage de l’Apocalypse de saint Jean et représente le saint en extase, les yeux au ciel, les bras tendus dans une attitude prophétique. Les figures nues aux gestes pathétiques sont les martyrs qui sortent de leurs tombeaux et appellent la vengeance du ciel, tendant les bras pour recevoir le don céleste des robes blanches. Il est certain qu’un dessin correct et précis n’aurait pas pu exprimer avec autant de puissante véhémence cette terrible vision du Jugement dernier, l’instant où les saints appellent la destruction de ce monde. Il est aisé de voir tout ce que le Greco devait à la dissymétrie des compositions originales de Tintoret ; on constate également qu’il avait adopté les figures étirées et maniérées de l’école du Parmesan. Cependant, on voit bien que, par ces moyens, le Greco poursuivait un bout nouveau. Il vivait en Espagne, où la foi religieuse atteignait une ferveur mystique quasi inconnue partout ailleurs. Dan un tel milieu, le raffinement « maniériste » perdait beaucoup de son caractère d’art précieux réservé aux initiés.
Tolède et ses ciels d’orage
Tolède, cité sainte d’Espagne, abritait près d’un millier de maisons religieuses et d’églises ; elle était plus pieuse et se consacrait plus à la religion que Rome. Son artisanat était florissant (épées, bijoux, céramiques, textiles) : quand le Greco s’y installa, elle était active et prospère ; à sa mort, des quartiers entiers étaient abandonnés et l’herbe poussait dans les rues. La charmante vue de Tolède, peinte vers 1609, où la cité baigne dans la gloire de la protection céleste, ses grands monastères s’étendant sur la colline par delà des murs et se répandant avec foi et fierté, brillantes, lumineuses et claires, cède la place à la Tolède peinte un ou deux an plus tard où des orages sombres et terribles font luire de façon effrayante le Laocoon dans la lumière vacillante d’un éclair invisible. Rien n’est moins véritablement espagnol que l’art du Greco ; c’est l’apogée du maniérisme italien.
Le Laocoon, seule œuvre à sujet mythologique ou littéraire dans toute la vaste production du maître, avec laquelle s’ouvre l’âge d’or de la peinture espagnole.
Œuvres du Greco en haute résolution : Google Arts & Culture
Gombrich, E.H. Histoire de l’art, Phaidon
Collectif, Histoire de l’art, Temps modernes, Paris, 2005
Arasse, Daniel, L’Homme en jeu, Paris, 2008
John Pope-Hennessy, El retrato en el Renacimiento, Madrid, 1985
Santiago Alcolea Gil, El Greco, Barcelone, 2007
Linda Murray, La Haute Renaissance et le maniérisme, Paris, 1995