Un nouveau Médicis au pouvoir
Cosme Ier de Médicis duc de Florence de 1537 à 1569, grand-duc de Toscane de 1569 à 1574 (né en 1519). L’intérêt porté au Quattrocento florentin a longtemps occulté la figure du représentant le plus remarquable et le plus actif de la famille Médicis, ainsi que son œuvre de mécène.
Quand le dernier régime républicain (1527-1530) de Florence céda aux assauts de l’armée pontificale et impériale, le gouvernement de la cité fut confié à Alexandre de Médicis, descendant direct, mais illégitime, de Cosme l’Ancien. C’était le dernier représentant de la lignée. Quand il fut assassiné, en 1537, les éléments conservateurs – le cardinal Cybo représentant de Charles Quint et la vieille garde patricienne (où Guichardin jouait un rôle dominant) – firent appel à un Médicis qui, même s’il n’appartenait pas à la branche principale, fut, sous une tutelle vigilante, en mesure de faire taire les espoirs des partisans d’une république indépendante. Ils choisirent Cosme, descendant lointain (quatrième génération) de Laurent, frère de Cosme l’Ancien. Fils d’un remarquable soldat professionnel, Jean des Bandes Noires, tué au combat en 1526, Cosme était, à 18 ans, un jeune homme inexpérimenté. Élevé à la campagne par la veuve de Jean, Marie Salviati, il faisait presque figure d’inconnu. Doublement éloigné des querelles intestines où s’empêtrait la cité, il pût considérer son rôle comme analogue à celui de la plupart des souverains italiens qui s’appuyaient sur un corps de professionnels. Il y apporta une énergie et une perspicacité remarquables. Le destin lui sourit presque d’emblée : son armée battit un groupe d’exilés patriciens à Montemurlo en août 1537. Le soutien de l’empereur Charles-Quint s’avère décisif pour le futur Cosme Ier, qui obtiendra en outre tout de suite après le droit de porter le titre de duc de Florence. La cité, plus soucieuse de prospérité que de politique, y vit un gage de gouvernement solide et stable et donna à Cosme la possibilité de se consacrer aux quatre objectifs de son règne : libérer le duché de la domination impériale, éloigner du gouvernement ses détenteurs traditionnels, favoriser l’intégration des possessions toscanes et glorifier le nom des Médicis.
En 1537, âgé de dix-huit ans, Cosme Ier est choisi par les Florentins pour gouverner ; en 1569, il sera le premier duc de Toscane. Il s’est fait représenter ici en armure pour souligner l’importance du métier des armes, dans lequel son père avait acquis tant de prestige. La main posée sur le casque d’acier est très féminine. Mais l’ensemble trahit la nature profonde du modèle ; très colérique, volontaire et autoritaire jusqu’à la tyrannie. Ce portrait qui était dans les collections Gonzaga, est une version de celui des Offices. Il a été identifié comme la peinture mentionnée par Vasari, peinte à la villa Médicis de Poggio a Caiano, en 1545. Il a été le prototype de portrait utilisé pour environ 20 versions et copies.
Tirant avantage des difficultés rencontrées ailleurs par Charles Quint, il négocia rapidement et se libéra, en payant sa part, des principales chaînes impériales, Cybo et les garnisons espagnoles laissées en Toscane par Charles Quint. Il joua ensuite les Valois contre les Habsbourg avec une habilité telle qu’après avoir mené une guerre contre la vieille rivale de Florence, Sienne, en tant que sbire de l’empereur, il reçut, en 1557 au nom de Florence, la cité ainsi qu’une grande partie de ses dépendances ; jamais dans son histoire Florence n’avait connu pareille expansion. Dans sa cité, Cosme fit preuve d’une telle ardeur administrative et d’un tel souci du détail qu’il finit par lasser ceux-là mêmes qui voulaient partager les décisions avec lui. Soutenu d’abord par les fonctionnaires qu’il avait hérités d’Alexandre, puis par les patriciens de plus en plus nombreux qui étaient prêts à le servir plutôt qu’à protéger leurs traditionnels intérêts familiaux, il allait transformer le statut de sa charge. En Toscane (il choisit le titre de grand-duc de Toscane plutôt que de Florence), il fit élever des fortifications aux frontières et réalisa un programme de travaux publics. Il était clair qu’il entendait substituer un tout formant un État moderne à la cité mercantile qu’il avait reçue en partage. D’année en année, il assouplit la législation juridique et fiscale qui soumettait les villes toscanes à Florence.
La fresque fait partie du cycle décoratif peint dans le salon des Cinq Cents et montre les épisodes les plus marquants de la guerre contre Sienne, que Cosme I gagna en 1555. Peint quinze ans après l’événement (entre 1568 et 1572) ici montre l’attaque contre la porte Camollia. L’habillement des soldats et les armures des chevaliers sont typiques de la seconde moitié du XVIe siècle. L’assaut a eu lieu pendant la nuit et Vasari a utilisé les couleurs pour illuminer la scène avec les lanternes et les torches soutenues par les soldats, et la lumière de la lune qui miroite sur les collines entourant la ville.
Le mariage politique qu’avait contracté Cosme lui garantit aussi ses alliances avec l’empereur. En effet, en 1539 il épouse Éléonore de Tolède, âgée de dix-sept ans, fille du vice-roi de Naples, Don Pedro de Toledo lieutenant de Charles-Quint. Éléonore née en 1522 en Espagne, mais élevée à la cour de Naples, apporte en dot un nom illustre et une grande richesse. Le mariage est célébré à l’église San Lorenzo toute proche du palais de la Via Larga, mais rapidement le couple s’est installé au Palais de la Seigneurie. Cet homme ambitieux et capable ne fut cependant pas épargné par le destin et se retira de la vie publique en 1564, après avoir désigné comme régent, son héritier François. En 1562, au cours d’un voyage tragique en Maremme, Cosme avait perdu sa femme et deux de ses enfants. Éléonore de Tolède fut pour beaucoup dans le redressement du destin des Médicis. Elle sut mettre à disposition de son mari ses richesses considérables et l’aide puissante de son père qui exerçait sur le pape la juste pression pour qu’il laissât à Cosme autonomie et liberté de mouvement. Épouse fidèle et intelligente, elle fut toujours de bon conseil pour Cosme qui l’écouta toute sa vie. Le portrait d’Éléonore avec son fils Giovanni de Médicis de 1545, réalisé par Bronzino, est l’une des images les plus parfaites et exquises crées par l’artiste dans le cours de toute sa carrière.
Son radieux visage ovale d’une beauté qui trahit une certaine mélancolie est illuminé contre le ciel orageux. Éléonore est représentée dans une robe très raffinée de tissu blanc damassé, ornée de perles et de finitions d’or, avec de riches bijoux, dont une ceinture constellée de pierres précieuses.
Le mécénat de Cosme I
Les initiatives de Cosme, dans les domaines de l’art et de la culture furent nombreuses et variées. Il continua la récolte de monnaies et de médailles qu’avait commencée Laurent le Magnifique et chargea ses ambassadeurs de tous les pays d’acheter des livres et des sculptures anciennes. Vasari fut chargé de transformer le palais de la Seigneurie, jusqu’alors siège du gouvernement, en demeure princière. En 1555 l’architecte qui modifia totalement l’intérieur commença pour l’aménagement des appartements de Léon X. Chaque salle était dédiée à un personnage illustre de la famille selon un programme conçu par Cosimo Bartoli ; il continua par la salle des Eléments pour se dédier ensuite aux pièces réservées à Eléonore. Pour finir, il restructura le Salon des Cinq cents. En 1560 Vasari fit entreprendre la construction des Offices et en 1565, à l’occasion des noces de François Ier de Médicis avec Jeanne d’Autriche, il réalisa en un temps record, le couloir qui unit le Palazzo Vecchio au Palais Pitti devenu la nouvelle demeure princière. Passionné de botanique Cosme fit réaliser le Jardin de Boboli et le Jardin des “Simples”. En 1541, Cosme avait signé le décret de fondation de l’Académie florentine ; en 1546, vint s’installer dans la ville une compagnie de tisseurs des Flandres qui donna vie à une manufacture, dirigée par Nicola Karcher et Jan van der Roost. En quelques années, elle devint la fabrique de tapisseries la plus renommée d’Europe. En 1547, Cosme donna le feu vert pour la construction de la loge du nouveau Marché ; en 1548 il fit ouvrir au public la Bibliothèque Laurentienne, projetée par Michel-Ange ; en 1554 il fit placer le Persée de Cellini sous la loge du palais de la Seigneurie.
Vasari construisit ce couloir en cinq mois. Conçu comme un passage secret, il permettait de passer rapidement du Palais de la Seigneurie au Palais Pitti, c’est-à-dire du siège administratif à la demeure privée de la famille régnante. C’est Cosme I de Médicis qui est à l’origine du palais des Offices : il voulait un édifice suffisamment grand pour contenir les bureaux des treize magistratures communales, le cœur bureaucratique et administratif de la Florence républicaine ; pour en faciliter le contrôle, le bâtiment devait se situer a proximité du Palazzo Vecchio, près de la place de la Seigneurie.
Cavalori travailla au palais de la Seigneurie avec l’équipe de Vasari, réalisant cette peinture où il ajouta des touches de réalisme aux formes maniéristes vasariennes. Cosme se fit le promoteur d’une réforme du secteur lainier et du développement de la tapisserie.
En 1539, Bronzino est entré au service du duc Cosme Ier de Médicis, comme peintre de cour. Un de ses premiers projets pour le duc a été la décoration d’une chapelle pour la duchesse, Éléonore de Tolède. En plus des fresques des scènes de l’Ancien Testament, il peint un retable de la Déploration sur le Christ mort pour l’autel de la chapelle (Musée des Beaux-Arts, Besançon). En ce qui concerne l’activité de Bronzino comme portraitiste de cour, de nombreux exemples ont survécu, tant du duc et la duchesse et leurs enfants comme des membres de leur cour. Entre 1545 et 1553 se situe l’époque plus intense de Bronzino comme dessinateur de cartons pour des tapisseries, avec lesquels a été fondée la récente manufacture médicéenne. Le talent du peintre dans ce terrain, se fait évident dans la magnifique série Histoire de Joseph, une allégorie de la vie et du gouvernement du duc pour la Sala del Consiglio dei Duecento du Palazzo Vecchio, et considérée comme l’un des chefs d’œuvre des tapisseries florentines du XVIe siècle. On apprécie dans ces œuvres la rare capacité de Bronzino pour créer des compositions très complexes, où le mouvement très sophistiqué des figures, s’enchaîne d’une manière presque parallèle au plan du tableau. Pour la réalisation des portraits du duc, Bronzino a été mandaté pour créer une image officielle de Cosme qui, à en juger par le nombre de copies et répliques qui ont survécu, ils ont été utilisés dans le cadre d’une stratégie de propagande de la part de Cosme. Un exemple du grand talent de Bronzino pour le portrait reste des études que l’on conserve, exemple Tête de jeune homme des Offices, de la fin de sa carrière, pleine de fraîcheur. L’exemple du Bronzino plus pervers ou plus sophistiqué, et peut-être le plus connu, reste l’étude pour la figure de la Jalousie pour le tableau l’Allégorie de Vénus et Cupidon de la National Gallery de Londres. D’autres dessins remarquables de Bronzino sont, le Nu d’un homme debout pour les fresques de la Chapelle d’Eléonore, au Metropolitan Museum de New York, et Joseph, Jacob et ses frères, 1546-48, Oxford, Ashmolean Museum.
En 1543, Cosme fonda la Manufacture de tapisseries des Médicis et Bronzino eut, entre 1545 et 1553, la responsabilité presque totale de l’entreprise la plus importante de cet atelier. Il s’agissait de réaliser les cartons d’au moins seize des vingt tapisseries de la série des “Épisodes de la vie de Joseph” qui furent ensuite tissées par les flamands Giovanni Rost et Niccolò Karcher.
Cette rayonnante tête de femme, pour une des figures féminines de la fresque de Moïse faisant jaillir l’eau d’une roche, présente des contours avec les marques des poncifs pour pouvoir être transférée directement sur le mur.
La chapelle privée Éléonore décorée par Bronzino entre 1540/46 à la demande de Cosme, est une petite salle rectangulaire à côté de l’appartement de la duchesse au palais de la Seigneurie où le peintre a créé un des chefs d’œuvre du XVIe siècle de la peinture maniériste florentine.
Les fresques des murs relatent des épisodes bibliques, alors que le grand panneau au-dessus de l’autel montre la “Déposition du Christ”. Bronzino donne à ce magnifique décor, des formes pures, fixant les images dans une immobilité noble et raffinée avec un réalisme fastueux du détail, en somme, d’une grande fascination.
L’académie des Arts et du Dessin fondée par Cosme, deviendra vite la première académie artistique d’Europe. Soixante-dix peintres, sculpteurs et architectes y opéraient, dirigés par six consuls. Vasari et Bronzino en firent partie ainsi que Baccio Bandinelli, Romolo Ferrucci, Battista del Tasso, Sansovino, Benvenuto Cellini et Ammannati. En outre, toute la Toscane fut disséminée de places fortes qui étaient de véritables monuments d’architecture militaire. San Martino en particulier. Un canon dessiné par Michel-Ange, actuellement au musée du Bargello, nommé Saint Paul parce que l’image du Saint en formait la culasse représentait, pour cette forteresse, un prodigieux objet d’art. La dernière commission publique fut le cycle pictural de la coupole du Dôme florentin que Cosme confia à Vasari.
Dans son autobiographie, Cellini décrit la commande de “Persée et Méduse” que lui fit le duc. Coulé avec succès d’une pièce, à l’exception du pied droit endommagé, comme il le raconte dans sa “Vie”, le groupe fut dévoilé à la Loggia dei Lanzi et salué par le public en 1554. Inspirée d’une statuette étrusque et adoptant la pose du vainqueur dominant le vaincu, l’oeuvre faisait pendant à la “Judith” de Donatello. Le jeune héros grec est représenté sous les traits manifestement identiques à ceux du monstre décapité, la terrible Méduse, qui transformait en pierre tous ceux qui avaient le malheur de la regarder dans les yeux. Le spectateur est invité à tourner autour de la composition, car Cellini, bien dans l’esprit maniériste, l’a conçue pour qu’elle ait huit points de vue. Cosme de Médicis, qui s’identifiait à Persée, avait commandé l’œuvre pour lancer un avertissement à ceux qui auraient cherché à renverser le gouvernement ducal et à menacer la dynastie des Médicis.
La politique des fêtes
Les fêtes trouvaient leur occasion dans les grands faits de la vie politique : visites de souverains, évènements et mariages, où les jeux et les cortèges avaient toujours été d’usage. La rivalité des dynasties et des cités en matière d’invention fastueuse et l’inclination générale de l’époque, finit par donner à la formule un développement irrésistible. Le luxe de la vie quotidienne déborde donc du palais et se répand dans la rue. Depuis le Quattrocento, à Florence les fêtes vont scander les grands moments de la vie publique en associant le peuple aux heureux événements de ceux qui le gouvernent. Cosme I de Médicis consolide son régime en se gagnant la sympathie du peuple florentin par une politique de fêtes. À partir de 1539, Bronzino se consacra à la réalisation des décors des fêtes pour les noces de Cosme I et Éléonore. Déjà commencées au temps de Laurent le Magnifique, ces fêtes sont évidemment la manifestation visuelle d’un projet politique. Il faut tenir compte de l’importance du Carnaval dans le développement des fêtes du XVIe siècle : une transformation décisive des chars et des cortèges traditionnels du Mardi gras fut l’introduction des « chars mythologiques » et des tableaux vivants allégoriques, que l’on peut remonter à l’époque de Laurent de Médicis. Au cours des décennies suivantes la pratique générale, sera plutôt la transfiguration merveilleuse de la ville au moment de la fête par l’implantation d’un décor approprié : l’exemple type par sa cohérence et sa précocité, est l’entrée de Léon X dans la ville de Florence (Vasari, Vie d’Andrea del Sarto); elle est marquée par la diversité des édifices fictifs, arcs, pyramides, obéissant tous à une symbolique qui peut être précisé par les tableaux en camaïeux insérés dans les fausses façades. Au XVIe siècle florentin, le pouvoir de la fête demeure encore entre les mains du prince.
À la gauche en arrière plan, on voit déjà la Galerie des Offices qu’occupe la place de vieilles maisons détruites pour la construction du mythique édifice.
La comédie à apparaît à partir de 1510 environ, associée aux fêtes de Carnaval dont elle fournit les thèmes pour les cours et les poètes : les dates de la représentation de la Calandria de Bibbiena à Urbino son assez concluantes à cet égard. La comédie appelle Salviati à Florence en 1545, puis Vasari à Venise en 1548, à Florence en 1565, Andrea Palladio et Federico Zuccari à Venise en 1561, et Buontalenti à Florence en 1585 pour l’aménagement d’une salle durable. À partir du grand développement des entrées et des jeux (1525-1530), l’esprit de la fête s’accorda avec l’esprit du maniérisme, où elle s’épanouira (après 1540) pour connaître cette vogue féerique dans toute l’Europe au cours de la période 1560-1580 (exemple : Fêtes et entrées royales au temps des derniers Valois).
Jean de Bologne, dit Giambologna
Giambologna (Douai 1529 – Florence 1608). D’origine flamande, il reçut en Belgique une formation de sculpteur avant de se rendre en Italie, en 1550, pour compléter son éducation artistique. Il passa deux années à Rome, où il étudia la sculpture antique et rencontra Michel-Ange. Au retour de son voyage romain, il s’arrêta à Florence où il fut accueilli par le mécène florentin Bernardo Vecchietti, qui l’introduisit à la cour de François Ier de Médicis. Au cours des premières années de son activité pour les Médicis qui, à partir de 1561, lui versèrent un salaire mensuel, Giambologna créa des sculptures pour des spectacles publics, de petits marbres et des bronzes de collection. Après avoir participé au concours pour une fontaine place de la Seigneurie, gagné par Ammannati (la Fontaine de Neptune), il réalisa sa première œuvre aux dimensions considérables Samson et un Philistin (vers 1562, Londres, Victoria and Albert Museum). Les années suivantes, il devint le sculpteur préféré des Médicis, fournissant des œuvres pour des édifices privés (la Fontaine de l’Océan, 1575, et la Vénus de la petite grotte pour Boboli) et publics (l’Enlèvement des Sabines, 1574-1580, et l’Hercule et Nessus pour la loggia des Lanzi), et contribuant à la célébration des grands-ducs (statues équestres de Cosme Ier et de Ferdinand Ier, reliefs dédiés à la Vie de Cosme Ier, palais Pitti et Allegorie de François I de Médicis). Parmi les autres grandes villes italiennes qui lui confièrent d’importantes commandes publiques figurent Lucques, Gênes et Bologne. Giambologna remit à l’honneur la sculpture animalière, qui avait eu tant de vogue dans l’Antiquité romaine (Dindon, Florence, Musée du Bargello). La circulation immédiate auprès des cours de toute l’Europe de ses statues de petites dimensions, en marbre et en bronze, furent à l’origine de la renommée de l’artiste, qui eut de nombreux disciples en Italie, en Allemagne et dans les Flandres, dont Adrien de Vries. Giambologna occupe une place de premier plan dans l’histoire de la culture européenne pour avoir développé jusqu’à leurs conséquences extrêmes certains principes du maniérisme en sculpture, comme la figure serpentine.
Le protagoniste de ce relief est Francesco de Médicis (figure de droite) qui est conduit par Mercure, le messager des dieux, vers une figure féminine qui a été identifiée comme la représentation de la ville de Florence. Sur la gauche de la composition se trouvent diverses figures mythologiques et allégoriques, y compris une personnification fluvial qui représente probablement l’Arno. Ce relief, avec son iconographie complexe et énigmatique, a probablement été donné à Francesco de Médicis par l’artiste. Il aurait été destiné à montrer la puissance naissante de Francesco à Florence. Particulièrement remarquable la construction architecturale de droite.
François de Médicis et la culture
François Ier de Médicis (Francesco en italien), fils de Cosme Ier et Éléonore de Tolède, en 1564 il assuma la régence de la ville. Il gouverna de 1574 à 1587. Ce fut à l’occasion de son mariage avec Jeanne, archiduchesse d’Autriche, que Giorgio Vasari projette de relier la vieille ville à la nouvelle, située sur l’autre rive de l’Arno. Ce sont les premiers pas d’un projet grandiose : la construction du Palazzo Pitti. Enclin à une vie retirée, François commissionna le Studiolo, une sorte de cabinet de travail ouvert quasi secrètement sur la grande Salle des Cinq Cents au palais de la Seigneurie, où il pouvait s’éclipser dès qu’il avait un moment libre. Le petit bureau fut commencé en 1569, sur un projet de Giorgio Vasari et Vincenzo Borghini, qui suggéra le programme iconographique, décrivant cette jolie petite pièce, comme : “Un bel écrin d’objets rares et précieux, qu’il s’agisse de leur valeur marchande que de leur valeur artistique : une quantité de bijoux, médailles, pierres ciselées, cristaux et vases, plus ou moins grands et entreposés dans des armoires confectionnées à cet effet”. Toute la décoration de la pièce tourne autour de ce rapport entre la nature et l’art, lié à l’intervention de l’homme sur les éléments naturels. Sur la voûte se déplie la légende de Prométhée entre les symboles des éléments (air, eau, feu, terre). Les parois illustrent chacun des éléments ; mais aussi l’alchimie, les découvertes de la science, les entreprises humaines. Les petits bronzes, dans les coins, sont des œuvres de Giambologna, Ammannati et autres sculpteurs. De le sculpteur flamand Giambologna, François fit placer sous la Loge des Lanzi, en 1583, le groupe statuaire de l’Enlèvement des Sabines qui, avec sa forme en spirale, représente la culmination de la figure serpentine maniériste.
Ce joyau d’architecture et de boiseries renfermait derrière de splendides panneaux peints, des objets rares et curieux collectionnés par le duc. Pour réaliser le décor de cette pièce où sont représentés au centre de la voûte “Prométhée et la Nature” et sur les côtés les “Quatre Éléments”, (la terre, l’eau, l’air et le feu) et dans chaque angle les “Quatre Tempéraments” (flegmatique, sanguin, bilieux, mélancolique), il convoqua les artistes les plus brillants de son temps.
François Ier de Médicis est l’un des personnages de la famille Médicis les plus discutés et les plus intéressants. Fils aîné de Cosme Ier et son successeur en tant que Grand-Duc de Toscane, il restera connu pour son amour pour la science et l’alchimie, auxquels il a consacré temps et énergie et dont témoigne bien son Studiolo.
À la villa Médicis de Pratolino, Giambologna réalisa, pour François de Médicis, le spectaculaire Apennin, placé dans un jardin rempli de merveilles étonnantes. Plusieurs thèmes maniéristes sont associés ici : le colosse, la fontaine, l’influence de Michel-Ange et l’interaction de l’art et nature. Le géant a été en partie taillé à même le roc et orné de gouttes de stuc, de lave et autres matériaux pour créer l’illusion de la chair. Cette figure symbolisait le genius loci du jardin, les sources arrosant la Toscane, et les allusions favorites des Médicis à leur gouvernement – l’âge d’or et le printemps où fondent les glaces de montagnes. La représentation rustique fait partie d’un dialogue entre art et nature, qu’avaient engagé plus au nord Arcimboldo et la cour de Rodolphe II : elle satisfaisait l’intérêt passionné que François de Médicis portait à l’alchimie, à la magie et aux sciences naissantes.
La villa de Pratolino que François Ier fit construire par Buontalenti, est insérée dans un parc disséminé de grottes, fontaines et automates. Giambologna y réalisa la sculpture colossale qui représente le “Géant de l’Apennin”. Il accueillit le projet de Buontalenti de placer et exposer dans une grotte au jardin de Boboli, les “Esclaves” de Michel-Ange, installés au milieu d’une profusion de fragments de roche, coquillages et stalactites d’un grand effet scénique.
Dans ses ateliers – et principalement dans ceux du Pavillon Médicéen de San Marco – le grand-duc cultivait sa passion pour les cristaux, les pierres dures, la céramique, expérimentant personnellement le travail de ces matériaux, ou commissionnant aux artistes de sa cour les objets les plus précieux. Sous sa tutelle fut mise au point une technique de la porcelaine capable de rivaliser avec celle des pays orientaux. Bernardo Buontalenti fut son artiste préféré. Il en appréciait la disponibilité de son caractère et son esprit créatif. C’est à lui qu’il s’adressa pour l’exécution de coupes et de vases en cristal de roche et lapis-lazuli. Il le chargea également de réaliser des scénographies théâtrales et d’organiser des fêtes avec des feux d’artifice. Les Offices furent le chef-d’œuvre intellectuel du grand-duc. Le terme de “Galerie” dérive de l’utilisation qu’il fit des couloirs. Espaces surélevés, ils se prêtaient parfaitement au rôle de salle d’exposition des collections médicéennes.
François de Médicis chargea en 1581 à Antonio Tempesta et plus tard à une équipe de peintres sous la direction d’Alessandro Allori, la réalisation des grotesques de la voûte. Il commence à rassembler une collection de tableaux et des sculptures, qui s’enrichira au cours des siècles et arrivera à constituer la galerie des Offices, inaugurant ainsi une des plus antiques institutions muséologiques, dont la première salle fut la Tribune construite par Buontalenti.