Le costume
L’un des éléments caractéristiques de l’art du Quattrocento se trouvent dans la mode qui est élégante et raffinée, sobre, lumineuse, linéaire. Elle s’adapte et exalte les hommes et les femmes qui vivent dans le monde imaginé par les humanistes, dans la cité idéale conçue par les nouveaux architectes.
Lorsque l’ancien système féodal qui a longtemps dominé s’effrite dans toute l’Europe, avec des conséquences importantes dans tous les champs, lorsque l’activité marchande du Trecento se consolide, les banquiers riches et puissants vont jeter les bases des seigneuries à venir. Ils feront décorer leurs maisons, encore sans meubles, avec des ornements divers, ils changeront aussi la forme des vêtements en particulier ceux des hommes : on met un pourpoint matelassé (zuparello) avec des manches amovibles, tailladées, pour laisser voir la chemise de dessous. En hiver on porte un manteau ou une casaque à manches fendues. Les femmes portaient pour les grandes occasions des robes à longue traîne. Cette « queue » indignait les prédicateurs et les législateurs qui voulaient la raccourcir. Saint Bernardin de Sienne estimait qu’elle faisait ressembler la femme a un animal « boueux l’hiver, poussiéreux l’été ». Il comparait cet appendice à un « balai de sorcière, un encensoir infernal ». Ceux qui contrevenaient aux lois somptuaires devaient payer de fortes amendes inscrites sur des registres appropriés.
Malgré la promulgation régulière de lois somptuaires contre les dépenses superflues, notamment celles de l’habillement, le luxe gardait un attrait irrésistible. Au même titre que les palais, les chevaux et les carrosses, le vêtement répondait au désir de briller en société. On rechercha donc des tissus précieux (au XVe siècle, la soie détrôna la laine, plus humble et usuelle, qui avait enrichi Florence au Moyen Âge) ; des tissus légers non ouvrés comme le taffetas, ou épais comme le velours, les brocards à fils d’or, les damas devinrent à la mode.
L’homme est habillé avec une tunique rouge sans manches (giornea) et coiffé d’un bonnet (beretta) de couleur rouge intense.
Plus tard, Léonard pressentit que les vêtements finiraient pour « épouser la forme du corps avec grâce et simplicité sans l’écraser sous des plis artificiels ». Comme auparavant, on appréciait alors la couleur (l’emploi de nouveaux colorants était récent). À Florence, on préférait le drap rosé. Cosme de Médicis se plaisait à répéter que « deux cannes de drap rosé » classaient l’homme de bien et rendaient le bourgeois guindé mais élégant. Ce n’est qu’au cours du XVIe siècle qui se répandit la vogue du noir ; lancée à l’origine à Venise, puis évoquant l’Espagne, elle dominait au siècle suivant.
Les couturiers ne jouèrent-ils qu’un rôle modeste, presque marginal, et ne grevèrent que très peu les sommes engagées. Ils ne furent même pas représentés par un art indépendant. À la fin du XIIIe siècle, ils firent partie de l’art des fripiers, avec les liniers ; au XIVe siècle, ils s’associèrent aux teinturiers et aux tondeurs, puis, à nouveau, en 1415, on les retrouve avec les fripiers et les liniers. Leur métier n’acquit ses lettres de noblesse qu’au XVIe siècle, quand la mode requit des connaissances de coupe.
Cette représentation sobre et bienveillante d’un tailleur à son travail demeure cependant unique en son genre. Le tailleur présente un tissu noir espagnol alors à la mode. Il porte un costume taillé dans un tissu rouge et chamois moins à la mode, rehaussé toutefois d’une fraise espagnole.
Coiffures et couvre-chefs
Sur la tête, les Florentins avaient jusqu’alors porté un mazzocchio, tortillon de bourre recouvert de tissu et une foggia qui retombait le long de la joue gauche sur l’épaule et se prolongeait par un becchetto qu’ils laissaient prendre jusqu’au sol ou se nouaient autour du cou. Au XVe siècle, on remplaça ce couvre-chef passé de mode par un bonnet conique relativement haut dont on relevait le bord arrière tout en le maintenant droit vers l’avant.
Au début du XIVe siècle, les hommes restaient généralement imberbes ; puis les condottieri des grandes compagnies françaises et allemandes répandirent la vogue de la barbe. Au XVe siècle, les hommes se rasèrent à nouveau et se laissèrent pousser les cheveux ; vers la fin du siècle, la barbe réapparut, touffue et diversement taillée.
Entre les peintres et les sculpteurs, la beauté masculine avait la même popularité que la beauté féminine. Très souvent les « garzoni » servaient de modèle et ses traits s’idéalisaient. Le jeune homme est présenté ici de profil, le regard fier et intense, le nez droit et la chevelure très fournie est couverte partiellement par un bonnet à la mode.
Comme le montrent les portraits à la Renaissance, les femmes au XVe siècle s’inspiraient de la coiffure française : atours et bourrelets échafaudés en pyramides et maintenus par des petits arcs d’osier ou de paille. Souvent avec un rembourrage de faux cheveux qui arrondit le sommet de la tête, la coiffure est ornée de fins cordonnets d’or ou de perles, de rubans, de bandeaux, de voiles, de bijoux. La coiffure adoptera par la suite de formes plus sobres, divisant les cheveux en deux bandes lisses séparées au milieu du front, qu’enserre un bandeau orné de pierres précieuses. La couleur idéale qu’on cherche à donner aux cheveux naturels aussi bien qu’aux faux, c’est la couleur blonde. Comme le soleil avait la réputation de teindre en blond la chevelure, il y avait des dames qui, par le beau temps, restaient toute la journée en plein soleil ; de plus, on employait des mordants et des mixtures pour teindre les cheveux.
La femme de ce portrait à mi-corps, de profil sur un fond couleur bleu lapis-lazuli qui souligne la pureté de ses traits et contraste avec le tissu précieux. La coiffure est typique des dames florentines du XVe siècle.
Les bijoux
Les accessoires et surtout les bijoux eurent eux aussi, leur importance. Les pierres précieuses et les perles, qui enrichissent les vêtements, présentent en outre l’avantage de pouvoir orner divers vêtements, de ne pas s’altérer ; enfin, elles constituent un capital. À Florence existaient plus de cent ateliers d’orfèvrerie régistrés au début du XVe siècle. Les bijoux avaient une signification particulière pour les riches florentins. Sa beauté et sa valeur marchande étaient des symboles du prestige familial, ils jouent un rôle très important dans la concertation de mariages. Les femmes qui portent ces bijoux connaissent ses connotations ainsi que sa valeur symbolique. Dans le portrait de Giovanna degli Albizzi Tornabuoni, ses bijoux – un pendentif avec des perles, une broche et deux bagues – soulignent sa condition d’épouse du jeune Lorenzo Tornabuoni. Prêtés par la famille de l’époux le jour de ses fiançailles, Giovanna les a porté le jour de son mariage et pendant sa courte vie de jeune mariée. La tradition florentine voulait qu’à la mort de l’épouse (Giovanna, est décédée suite à l’accouchement de son deuxième enfant, deux ans seulement après son mariage), les bijoux reviennent à la famille. Dans le portrait posthume de Giovanna réalisé par Ghirlandaio, elle porte une robe (giornea) décorée avec une stylisée L de Lorenzo et le diamant, emblème des Tornabuoni.
Des bijoux plus modestes ornaient les jeunes filles, cadeaux de ses parents, avec de gemmes plus humbles comme le corail qui dans l’iconographie profane est invoqué comme signe de protection. Des jolis rangs de perles de corail entouraient les graciles cous ou bien de pendentifs en forme de camée ou de boucles d’oreilles. Le Portrait de jeune fille peint par l’atelier de Ghirlandaio (le maître était le peintre de la vie citadine florentine) arbore un collier de perles de corail et une perle-bouton, qui ferme le voile translucide qui couvre son décolleté.
La femme porte au cou un collier de perles soutenant un pendentif d’une rare beauté, avec un ange en relief au-dessus d’un gros rubis. Un voile couvre ses oreilles, des perles et pierres précieuses rehausse délicatement les cheveux dorés tressés « en guêpier ».
Le maquillage
Les femmes raffinèrent l’art jamais négligé du maquillage. Dans le Libro dell’arte (vers 1390) Cennino Cennini enseigne la manière de se farder mais, précisait-il, « Cependant je te dirai que si tu veux conserver longtemps la figure avec sa propre couleur, ne te lave qu’avec l’eau de la fontaine, de puits ou de fleuve, et sois certain que toute autre eau manufacturée rend en fort peu de temps le visage flasque, les dents noires, et finalement les femmes vieillissent avant l’âge ». Elles aiment s’épiler (Boccace : les coiffeuses « épilaient les sourcils et le front des femmes, leur massaient les joues et leur embellissaient la peau du cou en en retirant certains poils ») ; toutes voulaient être blondes et se coiffaient avec beaucoup d’imagination ; certaines mettaient même de perruques. Dans le buste du XVe siècle La belle florentine du Louvre, la large touche de rouge sur les joues, ainsi que le rouge des lèvres, font ressortir son teint de porcelaine, qui souligne ses traits. Des ombres légères au menton, ainsi que sous la paupière inférieure. Sa coiffure entortillée des rubans soutient en même temps la masse de ses cheveux. La robe en tissu précieux, le bleu de sa chemise et de sa ceinture, donnent à l’ensemble une impression d’équilibre et de grâce suprêmes.
Le langage des couleurs et des étoffes
Dans la société de l’époque les couleurs des vêtements, les ors et les différentes étoffes représentaient des éléments taxinomiques permettant de distinguer avec précision le statut social et politique d’un individu au sein d’un groupe et d’un groupe dans la communauté. Même les gens les moins instruits savaient « lire » la signification des couleurs : il s’agissait là d’une faculté commune dans la vie quotidienne mais dépourvue de supports écrits au moins jusqu’au milieu du XVe siècle. Le langage des couleurs possédait une grammaire faite d’échanges, de combinaisons et d’associations ; ce langage servait, surtout à l’occasion des cérémonies publiques, à manifester l’accord ou le désaccord, à déclarer son amour ou à exprimer son aversion. L’œil expert de l’homme médiéval parvenait à déterminer la valeur d’un vêtement – par la présence de matières précieuses tels les fils d’or ou d’argent, les perles ou les broderies, mais aussi par le brillant et la résistance des couleurs – et surtout à classer les étoffes selon un ordre précis. Il reconnaissait les individus qui vivaient de la libéralité des seigneurs aux « chausses de la livrée », c’est-à-dire aux couleurs choisies par le seigneur en question ; les teintes unies étaient obtenues par un procédé sophistiqué et caractérisaient des étoffes coûteuses. L’industrie de la teinture avait atteint un bon niveau et permettait de bénéficier d’une ample gamme de nuances, même si le goût de l’époque conseillait d’arborer, surtout lors de cérémonies, des vêtements aux couleurs tranchées, nettes et brillantes comme le vert, le rouge et le blanc.
La couleur est un symbole et revêt en tant que tel une multitude de significations, parfois opposées. Il n’existait pas de couleurs franchement positives ou franchement négatives ; ce sont les combinaisons et les rapprochements qui en établissent le sens. Le jaune, qui passait dans l’Antiquité pour être la couleur la plus proche de la lumière divine, conserve cette valeur positive lorsqu’il est associé à l’or ; par contre le jaune et le vert ensemble expriment des idées comme la trahison, le désordre et la dégénérescence, voire la folie. Dès l’Antiquité au rouge correspondait la force, le courage, l’amour et la générosité, mais aussi l’orgueil, la cruauté et la colère, et ceci surtout à partir d’un certain moment en association avec le bleu. À la création de ce système contribuaient probablement les intérêts et les conflits économiques liés au commerce des produits employés en teinturerie. Le blanc, comme le noir, n’est pas considéré comme une couleur mais comme une somme de couleurs. Le blanc, du latin candides – d’où vient le mot candidatus, les candidats aux fonctions publiques s’habillant de blanc – devient synonyme de chasteté, d’honnêteté, de foi, de vérité, de bonheur, de joie, de victoire, de triomphe et de sincérité d’âme et de cœur. Les papes, les prêtres de l’Égypte antique, les vestales étaient vêtus de blanc.