La fresque, un art d’éternité
L’immobilité des fresques contribue amplement à leur magie. Contrairement aux autres peintures, elles ne voyagent pas. Elles sont fixées pour toujours sur les murs qui les ont vues naître. Chaque grande étape de l’art italien est marquée par un cycle de fresques. Ceux de la basilique d’Assise et de la chapelle Scrovegni de Padoue, réalisées par Giotto, marquent le début d’une nouvelle figuration et annoncent la Renaissance. La chapelle Brancacci de Masaccio et de Masolino à Florence donne le coup d’envoi de la Renaissance en peinture. Le Cycle de la Vraie Croix de Piero della Francesca à Arezzo. La Chambre des époux de Mantegna à Mantoue et la Salle des mois du palais Schifanoia à Ferrare sont les monuments de l’humanisme triomphant hors de Florence. La Cène de Léonard (Milan), les Chambres de Raphaël au Vatican et la chapelle Sixtine de Michel-Ange marquent quant à elles l’apogée de la grande Renaissance. Dans les années 1520-1530, les décors étourdissants de Giulio Romano au Palais du Té à Mantoue et les voûtes et coupoles de Corrège et de Parmesan incarnent les fastes extravagants du maniérisme. À Rome, vers 1600, la galerie des Carrache annonce la naissance d’un nouvel ordre classique alors que autour de 1630, le plafond du palais Barberini marque l’explosion du Baroque. Enfin, le lyrisme et la virtuosité des plafonds comme ceux des églises du Gesù et de Saint-Ignace annoncent le chant du cygne d’une technique qui connaît, au XVIIIe siècle, une dernière heure de gloire en Italie et partout en Europe avec les plafonds de Giambattista Tiepolo.
La grande décoration vénitienne du XVIIIe siècle
Alors qu’en Vénétie Dorigny régnait en maître incontesté de la peinture murale, son seul véritable rival sur le plan formel fit son apparition en la personne de Sebastiano Ricci. Celui-ci s’était formé aux écoles de Bologne et de Parme où il avait été en contact avec les œuvres du Corrège. Très vite, Ricci commence à faire une synthèse entre la culture émilienne, qui suit les enseignements du Corrège, et la vénitienne. C’est cette ligne qui suivra toute la grande décoration vénitienne du XVIIIe siècle. Cela apparaît très clairement dès le début, dans l’Allégorie de la bataille de Lépante, peinte en 1692 sur le plafond du grand salon du palais Colonna à Rome et qui semble annoncer un Tiepolo en pleine possession de ses moyens. Vu sous cet aspect, Ricci apparaît comme le véritable auteur de la révolution artistique vénitienne, en total accord avec ses confrères bolonais.
À Padoue, toujours dans la tradition du Corrège la décoration de la chapelle du Saint-Sacrement de Sainte-Justine réalisée par Ricci en 1700, est une explosion de lumière éblouissante, qui brûle littéralement les architectures et les figures des anges et des apôtres. Ricci, voyageur capricieux et infatigable, diffusera, par la suite, ses innovations dans toute l’Europe, passant de Vienne à Florence, de Londres à Venise où il peindra surtout des plafonds sur toile, selon la tradition vénitienne, avec des résultats identiques à ceux obtenus avec la technique de la fresque.
Giovanni Antonio Pellegrini
Giovanni Antonio Pellegrini (Venise 1675-1741), est un peintre tout aussi important que Ricci qui travaille à la même époque que lui. Cela confirme que Venise avait retrouvé son identité culturelle et la place qui avait été la sienne autrefois dans la technique de la peinture murale. Ces diverses expériences, qui lui avaient donné l’occasion de connaître les exemples lombards, bohèmes, allemands, vénitiens, et ceux de l’Italie centrale, lui permettent d’élaborer un langage stylistique et une technique plus moderne qui annonce le XVIIIe siècle. Il fera encore preuve de son extraordinaire talent de décorateur en Angleterre, Hollande, Allemagne et assurera la fortune de la peinture vénitienne. En Angleterre (1708-1713), il travailla initialement comme décorateur de théâtre, mais il obtint rapidement aussi un succès important avec ses tableaux de sujet allégorique ou mythologique (fresques et tableaux de Kimbolton Castle, Howard Castle, Norford Hall). Durant les vingt dernières années de sa vie, il résida principalement à Venise, continuant à travailler pour des commanditaires étrangers, en particulier allemands.
En 1696, Pellegrini entreprit la décoration du petit « portego », une chambre et une alcôve dans la villa familiale appartenant à Angelo Correr. Les fresques représentent des épisodes de la vie d’Alexandre le Grand. Tout le cycle a subi les ravages du temps.
Vers 1708, Pellegrini décorera, à Mira, le pavillon des invités de la villa Alessandrina, le seul autre exemple de décoration à fresque qu’il ait laissé en Vénétie et qui confirmera son talent. Il s’agit de peintures murales représentant des Scènes mythologiques qui ne font intervenir qu’une seule figure au deux, comme le sont la plupart de ses toiles à sujets mythologiques, avec des images d’un grand pathétisme et d’une grande poésie comme celle qui représente Endymion endormi, alors que se lève une énorme lune, ou celle ou l’on voit Narcisse rire sur un fond de lac. De chaque côté des portes, de petites vitrines peintes en trompe-l’œil surprennent avec leurs théières et leurs tasses parfaitement rendues ; elles montrent qu’il n’était pas indifférent au raffinement du goût international. Le style de peinture, très claire et évanescente, tout comme la situation psychologique évoquée, montrent, non seulement une ébauche, mais déjà une assimilation complète de ce que sera la culture figurative du XVIIIe siècle.
Dès ses première œuvres, Pellegrini affirma sa prédilection pour des gammes chromatiques argentées et scintillantes ainsi que pour de mises en place décoratives et narratives fluides et floues, s’inspirant de modèles de Sebastiano Ricci et du dernier Luca Giordano.
Le théâtre merveilleux de Tiepolo
C’est en tant que fresquiste que Giambattista Tiepolo commence sa carrière avec l’Assomption de Biadene di Montebelluna, vers 1716, où il montre qu’il a assimilé les leçons de Lazzarini, de Bencovich, surtout, en ce qui concerne les effets de lumière du plafond, celle de Ricci, en particulier les solutions que ce dernier avait adoptées pour son Assomption de la Madone du Sérail à Parme. Vers 1720, il réalise à Massanzago sa première décoration complexe à fresque, dans la villa de la famille Baglioni. Les formes y sont déjà peintes en de vigoureux clairs obscurs et dessinées avec une belle énergie et passent progressivement de l’ombre à la lumière. Tiepolo montre qu’il a déjà bien en tête le schéma décoratif qu’il utilisera fréquemment par la suite. Les fresques couvrent complètement la salle, en donnant l’illusion de percer les parois et de créer un espace infini. Le plafond présente le Triomphe de l’Aurore, tandis que les murs décrivent le Mythe de Phaéton.
Au cours de l’été 1725, Tiepolo peint sur le plafond du salon de l’étage supérieur du Palais Sandi, le Triomphe de l’Éloquence, un sujet célébrant les vertus du commanditaire, un avocat vénitien récemment anobli, s’éloigne déjà beaucoup des architectures imposantes rituelles que Dorigny continuait à peindre pour d’autres nobles de fraîche date. Ce schéma qu’il reprendra à plusieurs reprises dans ses plafonds, rappelle de très près celui qui avaient adopté les grands décorateurs baroques, en particulier pour la voûte du Palais Médici-Riccardi de Florence, une œuvre de Luca Giordano. Le plafond du palais Sandi s’avère également particulièrement important pour une autre raison : dans sa réalisation, Tiepolo montre qu’il se rapproche très nettement de l’univers de Véronèse. Ceci est tout à fait évident non seulement dans l’éclaircissement des couleurs, mais aussi dans l’adoption des ombres colorées.
Dans le plafond du palais Sandi, Tiepolo rassemble des figures éblouissantes et vigoureuses au bord d’un abîme vertigineux qui s’ouvre sur un grand ciel vide.
Tiepolo, appelé par le patriarche Danielle Dolfin à Udine, ne travaille pas seulement dans le château, où il peint de belles fresques monochromes, mais aussi dans la cathédrale et surtout dans le Patriarcat où il réalise, peut-être en plusieurs fois (la décoration de l’escalier d’honneur, d’après les textes, date de 1726), son cycle le plus émouvant. Dans la scène représentant Rachel cachant les idoles, il porte dans la fresque toute la grâce du rococo à un stade d’ingénuité naturelle qui ne laisse pourtant aucune place à la mièvrerie, sur le fond d’un paysage évanescent et très doux, comme ses ciels. La décoration de la voûte du grand escalier, où les corniches et les stucs se font contrepoint, tient compte de l’architecture environnante. C’est en effet la période où Tiepolo prend le part de remplacer l’illusionnisme du stuc peint par des décorations monochromes qui s’enrichiront plus tard de significations et de modèles plus classiques, avec quelques réminiscences des monochromes de Mantegna.Toute la décoration est le résultat d’un projet iconographique unitaire, plus particulièrement centré sur les aléas du peuple élu, au travers desquels est indiquée la voie du salut de l’humanité toute entière.
En revanche, à Biron, en 1734, Tiepolo compose dans la villa Loschi, une décoration très originale de tableaux détachés, avec des copies de grandes figures statutaires. À ce point de sa carrière, Tiepolo en est arrivé à réaliser sa décoration totale, où la peinture invente, avec la plus fantastique liberté, la sculpture, le stuc, l’architecture, ou bien les englobe et les transforme. Seule la fresque, avec son ampleur, sa technique, son rapport étroit avec l’architecture pouvait permettre cet enveloppement étourdissant, cette domination complète des surfaces et des images. En ce sens-là, Tiepolo donne une réponse définitive et triomphante, deux siècles après, au débat sur la primauté des arts, qui avait tourmenté tant le XVIe siècle italien. La peinture de Tiepolo, comme Argan l’a bien vu, se présente avec le temps comme une synthèse, qui met fatalement un point final à tout l’univers figuratif qui l’avait précédé. Son point fort reste ses merveilleux dons pour le dessin, raison pour laquelle aucune des figures qui son de sa main ne perd de son importance, de sa force, ou sa raison d’être.
La belle jeune femme est assise sur une chaise, l’homme est debout, s’inclinant vers elle et tenant un cœur attaché à une chaîne. La scène semble sortir d’un mélodrame du XVIIIe siècle, avec l’amant officiel d’une femme marié rendant hommage à sa dame, tandis qu’un petit chien blanc est câliné par un cupidon ailé, symbole de fidélité.
Les murs de Tiepolo deviennent les décors chatoyants d’un théâtre merveilleux au centre duquel le spectateur reste éperdu d’admiration.
Le cycle sur Cléopâtre de Tiepolo
Les fresques de Tiepolo à la villa Cordellina de Vicence, de 1743, renvoient de manière très nette à la peinture de Véronèse et à l’architecture de Palladio, dans un déploiement toujours plus théâtral et monumental. Dans celles qu’il a exécutées immédiatement après, dans le palais Labia de Venise, à juste titres très célèbres, un nouveau goût international commence à poindre, suggéré par la présence de son conseiller Francesco Algarotti, de même qu’une ironie scénique plus complexe, dans l’espace habilement agencé par son fidèle collaborateur Mengozzi Colonna. La décoration du palais Labia, avec sa monumentalité grandiloquente pleine de verve occupe une place particulière dans la série des grands cycles picturaux commandés par les nouvelles familles. Ce n’est peut-être pas un hasard si le commanditaire, qui n’était autre que la veuve d’un Labia, famille de riches drapiers espagnols, provenait d’une vielle famille vénitienne. Maria Labia Civran commissionna à Tiepolo la décoration du salon d’honneur tout de suite après le mariage de son fils Pierantonio avec Fiordaliso Emo. Sur les murs, entre des figures allégoriques et mythologiques disposées à l’intérieur de l’architecture peinte, deux scènes principales se font face et racontent la Rencontre d’Antoine et Cléopâtre et leur Banquet. L’ensemble constitue un extraordinaire témoignage de l’inégalable veine décorative de Tiepolo.
A la magnificence de la partition architecturale peinte par Gerolamo Mengozzi, Tiepolo répond par les scènes de théâtre les plus bouleversantes qu’il ait jamais réalisées. Le spectateur ne peut s’empêcher de s’attendre à ce qu’Antoine et Cléopâtre, accompagnés de leur cortège, descendent de la passerelle où ils se tiennent, empruntant l’escalier pour traverser la salle, afin de s’assoir à la table royale, représentée sur le mur d’en face, sous un portique.
La mise en scène un peu statique des personnages principaux est assouplie par le positionnement ironique au premier plant du petit chien et du nain, qui monte avec difficulté les marches vers la table.
D’autres figures apparaissent dans les loggias qui s’ouvrent sur les côtés de la scène principale. Ici, deux jeunes femmes de la cour de Cléopâtre arborent leur beauté éblouissante, observée par un cheval gris.
Au Palais Labia, l’histoire prend une forme réelle, mais avec un esprit tout à fait propre au XVIIIe siècle, les événements sont racontés avec un esprit frivole et spirituel, parfois même avec malice. Tout est dominé à la fois par la prodigieuse maîtrise des couleurs dont fait preuve Tiepolo dans un triomphe de teintes délicats et lumineuses et par son extraordinaire talent de narrateur qui privilégie un rythme d’une très grande vivacité.
À droite de la scène principale, la loggia révèle une vue sur la grande salle à manger du palais royal de Cléopâtre, avec des serveurs et une série de plats somptueux et amphores.
La figure d’Algarotti, disciple vénitien du théoricien de l’architecture Carlo Lodoli, grand collectionneur d’art et connaisseur averti, habitué aux salles les plus avant-gardistes d’Europe et divulgateur à Venise des théories de Newton sur la lumière et sur les couleurs, joue un certain rôle dans le développement de la carrière de Tiepolo. C’est en effet par son intermédiaire que Tiepolo découvrira un monde nouveau : l’univers très raffiné de la peinture française tournée vers le classicisme.
Tiepolo, père et fils, à la villa Valmarana
En 1757, Tiepolo retourne pour la dernière fois à Vicence, appelé par le comte Valmarana, érudit passionné par le théâtre qui avait choisi personnellement les thèmes à traiter dans les fresques devant décorer les pièces du petit édifice et de l’hôtellerie de sa villa, appelée Valmarana ai Nani (Valmarana-aux-Nains). Le peintre décide d’orner lui-même le petit édifice, confiant l’hôtellerie à son fils Giandomenico, à l’exception du plafond de la salle dite de l’Olympe. Tiepolo s’inspire des œuvres d’Homère et de Virgile, de l’Arioste et du Tasse. Le récit des événements est naturellement emprunté à la culture théâtrale du commanditaire. Les héros et les divinités des poèmes classiques, tout comme les chevaliers et les héroïnes de la littérature de la Renaissance comme dans La Jérusalem délivrée du Tasse où Roland furieux de l’Arioste, deviennent donc les acteurs d’une pièce mélodramatiquement centrée sur la représentation des sentiments.
Le sacrifice d’Iphigénie se déroule dans une salle de colonnes illusionnistes, ce qui bloque partiellement la vue du spectateur sur la scène. Au centre, Iphigénie se trouve sur l’autel, le prêtre prêt à appliquer le couteau. Cependant, le dieu envoyé par Diane pour sauver Iphigénie descend déjà sur un nuage, accompagné de deux putti, à gauche à l’autel.
Agamemnon est un peu isolé, à droite de l’image, couvrant son visage pour ne pas être témoin de la mort de sa fille. En tant que spectateurs, Tiepolo a rassemblé des guerriers et des Orientaux, dont l’un a mis son bras autour d’une colonne, ajoutant une touche parfaite à l’illusionnisme de l’architecture simulée.
Les deux divinités sont assises sur un nuage. Apollon, qui fait face au spectateur, tient sa lyre dans sa main droite et son carquois de flèches dans sa gauche, tandis que Diane, en partie cachée et tournant le dos au spectateur, se penche à sa droite. La robe jaune d’or d’Apollon et la couleur jaunâtre des nuages font allusion à sa fonction en tant que dieu du soleil.
Toujours dans l’esprit de Tiepolo, l’artiste le plus original par rapport, comme l’avait déjà bien vu Roberto Longhi, reste son fils Giandomenico, tout ou moins pour ce qui est la décoration des villas. Très tôt, en 1757, dans la villa Valmarana-aux-Nains de Vicence, il réalise un « pavillon gothique », qui sert de décor à des scènes de vie moderne comme La promenade d’été et La promenade d’hiver, ou bien encore les belles scènes champêtres du Repos des paysans ou Le repas en famille où Giandomenico représente le monde des paysans vénitiens pendant son repas dans une belle journée ensoleillée. Dans la « salle chinoise », les figures sont suspendues dans un vide lumineux et abstrait, comme de grandes grotesques.
Cette mystérieuse scène de carnaval est dominée par des personnages vus de dos portant masques et « bauta », en train d’observer les images de la Lanterne magique. Plus tard, Giandomenico rentré de Madrid reprendra ce thème dans sa ville de Zianigo et aujourd’hui Cà Rezzonico.
Vers 1790, revenant à la fresque dans la villa de famille, à Zianigo, après son séjour en Espagne, Giandomenico Tiepolo choisira de nouveau librement ses sujets, dans la mesure où les goûts de l’époque et son expérience européenne le lui permettront. Il peindra des scènes ludiques avec Polichinelle, des dessus de porte avec des animaux, des lions et des cerfs, et, dans la chapelle, un médaillon encore à la manière ténébreuse de Rembrandt représentant la Crucifixion.
Autres fresquistes Vénitiens
Plus ou moins toute la décoration vénitienne contemporaine ou postérieure à Tiepolo, même si elle atteint de temps en temps un haut niveau de qualité, est comme envoutée ou écrasée par son exemple et personne ne réussit à proposer des alternatives à son système universel et totalisant de décoration. Aux côtés de Tiepolo, il faut rappeler Giambattista Crosato (Venise v. 1685-1758), qui, sans parvenir aux résultats sublimes du maître, il compte de toutes manières, parmi les fresquistes les plus importants de ce siècle. En Vénétie, il faut signaler les scènes tirées de la Jérusalem libérée qui ornent le grand salon de la villa Torni de Magliano (1736) et le cycle de Ca’ Marcello dédié à Alexandre le Grand. Le cycle de Ca’ Marcello représente un des plus grands moments de la grande carrière de l’artiste vénitien. Ses décorations élégantes et lumineuses bénéficient de scénographies efficaces, dessinées par lui-même, et se distinguent des manifestations contemporaines du rococo international par le talent des inventions et la vivacité des couleurs.
Campasse ou Pancaspe, originaire de Thessalie, fut la favorite d’Alexandre le Grand. Il chargea Apelle, son peintre officiel, de peindre son portrait. Tombé éperdument amoureux de la jeune fille, le peintre retarda par divers stratagèmes l’achèvement du portrait afin de profiter de sa beauté aussi longtemps que possible. Pendant des siècles cet artiste devait être considéré comme les plus grand peintre de l’antiquité.
La décoration de Mattia Bortoloni effectuée dans la villa Cornaro de Piombino Dese est d’une facture exceptionnelle. Cet artiste, né en 1696 comme Tiepolo, s’inscrit à la confrérie des peintres vénitiens en 1720. Ses commanditaires appartenaient à une vieille famille vénitienne, et, bizarrement, il choisit des Scènes de l’Ancien Testament, thèmes récurrents du maniérisme tardif, pour décorer cette ville palladienne. À cette époque Bortoloni semble encore ignorer la dimension aérienne de la culture baroque et même les enseignements formels de Balestra, dont il fut l’élève. Toutefois, Bortoloni qui, d’après les documents, est à cette époque-là en rapport avec le spécialiste du trompe-l’œil Mengozzi Colonna, sera par la suite l’un des décorateurs vénitiens les plus importants et les plus typiques du XVIIIe siècle, mais en Lombardie et dans le Piémont. L’élément charnière entre ces deux phases est représenté par le splendide Saint Gaétan de Thiene en gloire, réalisé avant la fin de 1732 et qui se trouve dans l’église Saint-Nicolas-de-Tolentino de Venise.
Les solutions formelles sont d’inspiration néo-maniériste, avec des figures aux formes très allongées qui se multiplient à l’infini, de même que les éléments architecturaux qui se détachent sur d’immenses horizons complètement plats.
Après l’intervention de Tiepolo au palais Canossa en 1761, Francesco Lorenzi qui avait été son élève à Venise de 1745 à 1750, se consacre lui aussi beaucoup à ce genre, surtout à Vérone. Il reprend très fidèlement les images du répertoire de Tiepolo, mais le résultat manque de chaleur et le dessin est beaucoup moins souple que celui de son maître. Lorenzi, devait, bien entendu, s’adapter aux goûts plus conservateurs et entachés de provincialisme de ses commanditaires de la Terre-ferme. Son œuvre la plus connue reste l’Aurore du palais Giusti de Vérone qui date de 1767 environ.
Dans le Triomphe de l’Aurore, Lorenzi se mesure avec une grande habilité à Guido Reni sur le même sujet qu’il peignit au casino Rospigliosi de Rome.
Parmi les artistes les plus connus de cette fin de siècle, il faut encore citer Marco Marcola ou Marcuola, un peintre très populaire à l’époque, mais dont la production a été d’un niveau très inégal. Sa force, toutefois, si elle ne réside pas dans sa technique picturale, lui vient de la nouveauté et de la modernité de ses thèmes, sans compter l’indéniable verve comique avec lesquels ils sont traités. Sont cas, très singulier, s’inscrit en droite ligne dans le filon des Lumières mais d’inspiration plébéienne.
Sources :
Svetlana Alpers, Michael Baxandall, Tiepolo et l’intelligence picturale, Paris 1996
Guillaume Kazerouni, Fresques Italiennes du XIIIe au XVIIIe siècles, Paris 2012-2015
Forzi, Alvise ; Marton, Paolo, Les palais vénitiens, Paris 2013
Adriano Marius, Filippo Pedrocco ; Giandomenico Tiepolo. Gli affreschi di Zianigo a Ca’ Rezzonico, Milan 2004
Mina Gregori, Peinture murale en Italie, Milan, 1998
Roentgen Steffi, Fresques italiennes du Baroque aux Lumières, Paris, 2007
Roberto Calazzo, Le rose Tiepolo, Paris, 2009