Le groupe Cobra
Le mouvement Cobra (plus un groupe qu’un mouvement) fut fondé en novembre 1948 par un groupe d’artistes de l’Europe du Nord en réaction contre le réalisme socialiste et l’hégémonie de l’école de Paris. Imaginé par Christian Dotremont, son sigle constitue les premières lettres de COpenhague, BRuxelles et Amsterdam (COBRA).
Le peintre danois Asger Jorn, les écrivains belges Dotremont et Noiret, les peintres hollandais Appel, Constant et Corneille furent ensuite rejoints par Alechinsky, Bury, Heerup, Bille. Leur démarche commune où fusionnèrent les tendances de l’expressionnisme, du surréalisme et de l’abstraction, passe par un travail sur la matière, la facture, la couleur et les associations matière/couleur. Tous expriment la volonté d’une expression directe e intuitive.
Certains seront très influencés par la littérature, qu’ils intégreront comme Corneille dans leur œuvre peint. Très attachés à l’art populaire nordique puis international, les artistes de Cobra utiliseront souvent les bestiaires primitifs ou mythiques comme thèmes favoris avec une peinture colorée, incisive, tonique. En 1951, le groupe se dissout. Constant et Jorn seront parmi les fondateurs de l’International situationniste ; d’autres comme Alechinsky, continueront leur œuvre peinte.
Asger Jorn et le bestiaire insolite
L’artiste danois Asger Jorn (1914-1973) est considéré le peintre le plus influent du groupe Cobra. Après une période figurative (portraits, paysages), il se rend à Paris où il travaille dans l’atelier de Léger puis de Le Corbusier (1936-1937). Il prend contact avec la peinture de Kandinsky, Klee, Miró et Ensor, et retourne au Danemark où il participe à la revue Helhesten (1941-44) avec Bille, Jacobsen, Pedersen. En 1948, il fonde à Paris le groupe Cobra avec Corneille, Constant, Appel, Dotremont et Noiret. Il accorde une place essentielle à l’acte de peindre – « la nourriture préférée de la peinture, c’est la peinture » -, à la manière et aux empâtements, à l’ »automatisme physique du geste ». Ses toiles reviennent toujours à des suggestions de figure humaine (Femme du 5 d’octobre) où évoquent des bestiaires imaginaires. Avec Dotremont, il réalise des peintures-mots (1948-53). En 1954, il crée avec Enrico Baj à Milan le « Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste ». De 1957 à 1961, il est membre de l’Internationale situationniste avec Constant. Conjointement à son activité picturale, il a réalisé des gravures, des peintures murales, des céramiques et des tapisseries.
« Le vrai réalisme, le réalisme matérialiste, niant l’équation idéaliste de la subjectivité et de l’individualisme, dénoncée par Marx, cherche les formes de la réalité communes aux sens de tous les hommes ». Asger Jorn
Anton Constant
Anton Constant (Amsterdam 1920-2005) suit les cours de l’Académie Royale d’Amsterdam de 1940 à 1942. Très marqué au début de sa carrière par l’influence de Mondrian, il s’est libéré dès 1946 à Paris où il rencontre Miró et Asger Jorn. Il crée le groupe Reflex et se rallie ensuite au groupe Cobra avec Jorn, Appel et Corneille. Influencé par la poésie surréaliste, il agrémente sa peinture de prose (Voiles partout, yeux d’or, 1949). La représentation animalière tient une place importante dans ses compositions (L’Animal sorcier, 1949 ; Femme et animal, 1951). Il aborde également un cycle de peintures sur le thème de la guerre (La Guerre, 1951; Huit fois la guerre, 1951). Constant revient à l’abstraction géométrique, puis se consacre à des recherches sur l’architecture sociale et sur la création d’un nouveau urbanisme. Il adhère à l’Internationale situationniste et signe la déclaration d’Amsterdam. En 1970, il revient à la peinture (La Rencontre d’Abu et de Justine, 1975) où son vocabulaire plastique et son inspiration se rattachent au mouvement Cobra.
Karel Appel
Peintre et sculpteur hollandais, Karel Appel (Amsterdam 1921 – Zurich 2006) étudie à l’Académie royale d’Amsterdam où il se lie d’amitié avec Corneille. Il fonde le groupe international Cobra en 1948, avec Constant, Corneille, Jorn et Dotremont. Sa peinture est marquée par une puissante charge expressionniste qui, tout en se définissant en termes informels, se réfère aux grands maîtres de l’expressionnisme nordique : d’Émile Nolde à Max Pechstein, d’Edward Munch à James Ensor. L’art d’Appel est caractérisé par une extrême violence gestuelle qui mène, parfois, à un mépris total de la forme et se construit en accumulant de denses stratifications de matière colorée, parmi lesquelles apparaissent souvent des fragments d’image humaine dont l’expression oscille entre la tension dramatique et l’humour. Parallèlement, il réalise des reliefs muraux polychromes ainsi que des sculptures en bois, en aluminium et en bois peint.
Guillaume Corneille
Guillaume Cornelis van Beverloo, dit Corneille (Liège 1922 – Auvers-sur-Oise 2010). Il suit les cours de l’Académie d’Amsterdam de 1940 à 1943. Il se rend pour plusieurs mois en Hongrie. En novembre 1948, il devient cofondateur du mouvement Cobra, créé en réaction contre l’abstraction géométrique et le réalisme socialiste. Corneille peint alors avec une certaine agressivité des animaux ou l’être humain en proie à des monstres ou à l’adversité du monde. De 1948 à 1960, il voyage en Afrique du Nord et aux Amériques. Sa peinture acquiert alors plus de lyrisme, de couleurs chaudes et plus nuancées. Dans les années 60, il revient à une peinture plus figurative, mais également à un dessin plus cerné, à des coloris plus vifs qui évoquent sa participation au groupe Cobra.
« Dans ma longue vie de peintre, j’ai tout vécu avec passion, et si c’était à refaire, je referais la même chose. De ma vie, j’en ai fait une belle journée colorée ». Guillaume Corneille
Pierre Alechinsky
Pierre Alechinsky (Bruxelles 1927) après avoir fait ses études à l’Ecole des arts décoratifs de Bruxelles, il participe au groupe de la Jeune peinture belge. En 1949, il devient membre du groupe Cobra, y apportant une peinture définie comme « cardiogramme intelligent » fidèle a la main qui écrit-peint. Il s’établit à Paris dans les années cinquante où il enrichit sa connaissance de la gravure à l’Atelier 17, chez Hayter, puis entre en contact avec le groupe Bokuby de Kyoto dont il s’inspire au niveau calligraphique. En 1965, grâce à Walasse Ting, il découvre la fluidité de la peinture acrylique. Avec son tableau Central Park, il inaugure les « remarques marginales » en encadrement du tableau. En 1972, il réalise avec Dotremont de Logigrammes-Dessins, puis, de 1976 à 1977, avec Karel Appel, les Encre à deux pinceaux.