L’exposition du musée Picasso, Jackson Pollock : Les premières années (1934-1947) revient sur les débuts de la carrière de Jackson Pollock (1912-1956) marqués par l’influence du régionalisme et des muralistes mexicains, jusqu’à ses premiers drippings de 1947. Ce corpus, peu exposé pour lui-même, témoigne des diverses sources qui nourrissent les recherches du jeune artiste, entre l’influence des arts natifs américains et celle des avant-gardes européennes, au sein desquelles Pablo Picasso figure en bonne place. Comparé au peintre espagnol et aux grands noms de la peinture européenne par la critique, Pollock est, rapidement, érigé en véritable monument de la peinture américaine, et ce faisant, isolé des réseaux plus complexes d’échanges d’influences qui nourrissent son travail durant ses années new-yorkaises. L’exposition ambitionne de présenter en détail ces années qui furent le laboratoire de son œuvre, en restituant le contexte artistique et intellectuel dont l’un et l’autre se sont nourris. L’exposition propose un parcours articulé autour de plusieurs moments forts du parcours artistique et intellectuel du jeune Pollock au cours de ces années d’expérimentation. En convoquant ponctuellement certaines figures clefs de son parcours artistique (Charles Pollock, William Baziotes, Lee Krasner, André Masson, Pablo Picasso, Janet Sobel…), l’exposition s’attache à souligner l’intensité et la singularité de son œuvre dans ses différentes dimensions (peinture et travail sur la matière, gravure, sculpture).
En septembre 1930, Jackson Pollock s’installe à New York et entre à l’Art Students League pour suivre l’enseignement du peintre régionaliste Thomas Hart Benton. Ce dernier dépeint un pays en proie à la Grande Dépression dans des toiles réalistes qui influencent l’œuvre de Pollock du début des années 1930, tout comme celles de son frère Charles. Lors de leurs déplacements d’est en ouest, ils s’arrêtent pour esquisser les sorties d’usine et le travail des champs. Guidé par Benton, le jeune artiste se passionne pour l’art de la fresque, de la Renaissance italienne aux muralistes mexicains. Durant l’été 1936, Jackson Pollock se rend dans le Vermont avec son frère Sande et son ami le peintre Philip Guston pour voir une fresque achevée deux ans plus tôt par Orozco au Dartmouth College : The Epic of American Civilization. L’œuvre représente l’histoire américaine, de ses origines précolombiennes à son histoire industrielle récente. Cette composition complexe où se mêlent profils humains et animaux rappelle les scènes de guerre peintes par Orozco et marque durablement Pollock.
L’arrivée d’artistes et penseurs français fuyant l’Occupation contribue à l’effervescence culturelle de New York au tournant des années 1940. Le cercle des surréalistes en exil composé entre autres d’André Breton, Marcel Duchamp, Marx Ernst, Jacqueline Lamba, André Masson, Roberto Matta et Yves Tanguy contribue à renforcer l’engouement de la scène new yorkaise pour la psychanalyse, l’automatisme et l’inconscient. À l’automne 1945, Jackson Pollock et son épouse, l’artiste Lee Krasner, quittent New York pour s’installer dans une ancienne ferme à Long Island, à Springs. C’est dans son atelier, aménagé dans la grange, qu’il développe sa pratique de peinture au sol : « Je ne tends pratiquement jamais ma toile avant de peindre. Je préfère clouer la toile non tendue au mur ou au sol. J’ai besoin de la résistance d’une surface dure. Au sol je suis plus à l’aise. Je me sens plus proche du tableau, j’en fais davantage partie ; car, de cette façon, je peux marcher tout autour, travailler à partir des quatre côtés, et être littéralement dans le tableau ». Pièce maîtresse de la série Accabonac Creek, The Key est peinte sur le sol de l’atelier.
Ainsi, la série des premiers grands drippings exposés par Pollock à la galerie Betty Parsons en janvier 1948, qui concluent la période, apparaît comme le résultat de recherches et d’explorations, entre automatisme et gestualité, menées par l’artiste tout au long de ces premières années.
Cette exposition présente une centaine d’œuvres provenant d‘institutions internationales prestigieuses comme le Museum of Modern Art de New York, le Metropolitan Museum of Art, The Art Institute of Chicago, le Centre Pompidou, la Tate ou encore le Stedelijk Museum.