Le Musée Guggenheim de Bilbao présente une exposition dédiée à l’Expressionnisme Abstrait, un phénomène aussi hétérogène que ses créateurs. Cette étiquette collective inventée par le critique Robert Coates en 1946 suggère deux polarités : la force émotionnelle de l’expressionnisme allemand et l’esthétique formelle de l’abstraction européenne. Les artistes de ce courant étaient d’origine new-yorkaise ou avaient émigré depuis l’Europe. D’autres procédaient du cœur et de l’ouest des États-Unis. Pourtant, malgré leurs différences ethniques et biographiques, les nouveaux expressionnistes abstraits avaient partagé une même expérience : ils avaient vécu à l’ère moderne des situations extrêmes et des catastrophes, comme deux guerres mondiales, la Grande Dépression, la Guerre Civile Espagnole, la dévastation nucléaire et l’avènement de la Guerre Froide. En revanche, l’évolution des États-Unis comme puissance mondiale contribua à encourager en parallèle l’émergence d’un univers artistique florissant et sûr de lui.
Alors que l’artiste exprime ses émotions et transmet sa présence dans l’œuvre, la perception du spectateur est l’ingrédient final du mélange. La peinture abstraite « vous remet en question » (it confronts you) disait Pollock en 1950.
L’Expressionnisme Abstrait eut une importance décisive dans l’évolution de l’art du XXe mais bizarrement, aucune étude importante n’a été menée sur le mouvement depuis 1959. Cette exposition ambitieuse organisée par la Royal Academy of Arts de Londres avec la collaboration du Musée Guggenheim Bilbao et qui regroupe plus de 130 toiles, sculptures et photos de collections publiques et privées du monde entier, met en présence des chefs-d’œuvre des artistes américains les plus acclamés de ce mouvement et d’autres moins connus mais non moins représentatifs. La sélection cherche à porter un nouveau regard sur l’Expressionnisme Abstrait en reconnaissant que même si ce phénomène est souvent perçu comme homogène, il fut en réalité très complexe et versatile, et doté d’une multitude de facettes.