Brunelleschi, le précurseur
Célébré par ses contemporains comme l' » ingénieux ingénieur » qui sut conduire le chantier du dôme de la cathédrale, Brunelleschi fut salué plus tard par Filarete comme celui qui sut retrouver la » manière antique de bâtir » (1470), et par Vasari comme l’homme » envoyé par le Ciel pour rénover l’architecture égarée depuis des siècles » (1550). Fils d’un notaire florentin Filippo Brunelleschi (1377-1446) reçut une formation d’orfèvre, formation initiale habituelle des sculpteurs. Après son échec de 1401 (le concours pour la porte du Baptistère San Giovanni de Florence, qui emporta Ghiberti) il se rendit à Rome en compagnie de Donatello pour y étudier sculpture et architecture antiques. Il s’adonna à diverses expériences sur la représentation perspective de l’architecture. À partir de 1420, il consacra l’essentiel de son temps à la construction du Dôme, dont la forme reste essentiellement médiévale, mais dont la structure constructive est sans précédent, tandis que ses autres œuvres, dont il pût rarement suivre le chantier jusqu’au bout, rompent avec le langage gothique et inaugurent une ère nouvelle.
Caractéristique de l’architecture de Brunelleschi, l’église San Lorenzo obéit à un système de planification proportionnelle : le carré formé par la croisée du transept constitue l’unité de base. Elle détermine les dimensions du chœur et des bras du transept. La longueur de la nef correspond à quatre fois ce carré. Entre le chapiteau et l’arcade, Brunelleschi place un dé qui correspond à l’entablement des collatéraux.
Le Dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore
En 1295, la ville de Florence entreprit la construction d’une nouvelle cathédrale, sur les dessins d’Arnolfo di Cambio, qui furent modifiés plusieurs fois. En 1418, le tambour étant presque achevé, la Fabrique se préoccupa de la construction du Dôme. Après une consultation internationale infructueuse, Brunelleschi, qui proposait de voûter le dôme sans employer de cintres de bois, fut nommé capomaestro et, de 1420 à 1436, il conduisit à bonne fin sa construction. En 1436, après un nouveau concours, la lanterne de marbre fut commandée encore à Brunelleschi, qui dessina aussi en 1439 les tribunes, où débouchent les escaliers qui encadrent le tambour. En 1446, un mois avant sa mort, on commença à mettre en place les premiers éléments de la lanterne. La boule de bronze terminale par Verrocchio (remplacée au XVIIe siècle) fut mise en place en 1472.
Dès 1367 on avait fixé la forme octogonale du tambour, le profil ovoïde de la coupole, mais aussi le principe d’une double coque entre lesquelles on puisse circuler, et d’un système de nervures principales et secondaires pour alléger la construction. L’apport décisif de Brunelleschi n’est pas dans ses premiers choix, mais dans la proposition de bâtir sans cintres de bois. Si la coupole apparaît constituée d’une cage de nervures (arcabus), entre lesquelles sont tendus de fins voûtains à la manière gothique, sa structure constructive est conçue en anneaux autoportants (coronis) de briques disposées en arêtes de poisson dans un mortier à prise rapide. Brunelleschi dirigea tous les aspects du chantier, moulage de briques, transport des pierres, échafaudages, et les machines de levage qu’il mit au point servaient encore de référence lors de la construction de Saint-Pierre de Rome. C’est le dernier chantier médiéval de Florence conduit par un architecte moderne sur le concept antique d’une voûte autoportante, comme une coquille d’œuf.
Un nouveau langage architectural
En 1419, pour les fabricants de soie (arte della seta), Brunelleschi dessina l’hôpital des Saints Innocents. Le portique qui court devant l’hôpital, selon l’usage toscan médiéval, et les deux cloîtres, sont formés d’arcades en plein cintre retombant sur de fines colonnes à chapiteau corinthien, en pietra serena (la pierre sombre locale), première expression d’une rupture avec le langage gothique qui domine alors toute l’Europe. La sacristie de San Lorenzo, première chapelle funéraire des Médicis (1421-1429, pour l’architecture) présente le même parti de plan que la chapelle gothique des Espagnols à Santa Maria Novella (1350), mais elle est scandée, selon un système modulaire, de pilastres corinthiens cannelés, éclairée de baies en plein cintre et d’oculi, et couvert d’une coupole à nervures radiales et douze voûtains. La chapelle des Pazzi à Santa Croce (1433; 1442-1459) perfectionne le système. Brunelleschi entreprit aussi la reconstruction de l’église San Lorenzo (1421-1425 ; 1442-1461). Revenant aux exemples des églises romanes de Florence, Santi Apostoli, San Pier in Scheraggio et San Miniato, il scande l’espace basilical d’arcades en plein cintre qui retombent sur des colonnes, un entablement venant ici couronner les chapiteaux corinthiens. À l’église Santo Spirito (commencée en 1444), de l’autre côté de l’Arno, il perfectionne le même parti en construisant plan et élévation sur une grille modulaire unique. Par l’insistance sur les lignes se détachant sur le mur blanc crépi, par l’emploi de voûtes à nervures a ombrella, Brunelleschi garde quelque chose de gothique, mais les lignes et les volumes réglés par un système modulaire sont renouvelés par l’emploi d’un nouveau vocabulaire formel, pilastres cannelés ou colonnes lisses, chapiteaux corinthiens, entablements, dont les références sont à chercher dans la tradition locale, dans le roman toscan, au Baptistère en particulier, que l’on prenait alors pour un temple antique, plus que dans l’architecture romaine impériale.
En élevant la salle du chapitre de Santa Croce – ou chapelle des Pazzi – Filippo Brunelleschi reprend le modèle du cube spatial de la Vieille Sacristie, couronnée de la coupole, mais en l’élargissant par de travées à voûte en berceau. Les » tondi » des Apôtres sont de Luca della Robbia.
Dans l’architecture de l’Hôpital des Innocents, Brunelleschi introduit des éléments formels inspirés de l’Antiquité. Le portique se compose d’une série d’arches en plein cintre. Elles sont surmontées d’un entablement horizontal et d’une voûte continuée de petites coupoles.
Brunelleschi, « inventeur » de la perspective
Brunelleschi peut être considéré comme l' » inventeur » de la perspective, en deux expériences fondatrices vers 1425. La première, la plus complexe, consistait à se placer dans le portail central de la cathédrale de Florence et à regarder à travers une tablette percée d’un trou et portant, de l’autre côté, une vue du Baptistère peinte en perspective. Interposer un miroir entre la tablette et le Baptistère, puis enlever le miroir, permettait de constater que la bâtisse et l’image coïncidaient exactement. Plus qu’elle ne confirme la portée réaliste du dispositif perspectif, l’expérience met en évidence qu’il s’applique d’abord à l’architecture et qu’il se fonde sur divers présupposés théoriques : réduit à un point fixe, le spectateur est assigné à un point de vue dont la projection orthogonale sur le plan de l’image donne le point de fuite. Alberti est le premier à théoriser le dispositif. Dans le De pictura, la perspective sert d’abord à camper le lieu de l’histoire. Elle est solidaire d’une définition nouvelle du champ de l’image (c’est » une fenêtre à travers laquelle l’histoire se donne à voir « ), d’un nouveau rapport d’échelle des personnages aux lieux (des espaces vides s’interposent entre les hommes, les murs, la couverture), et d’une esthétique de la sobriété (le remplissage dense est banni). Masaccio et Uccello furent les premiers à appliquer les règles de la perspective en peinture.
L’observateur peut comparer (A) la vue directe du bâtiment à travers un trou percé dans le panneau (B) avec la réflexion dans le miroir de l’image du bâtiment peinte sur le panneau.
On ignore l’auteur, la date et la destination du panneau de » Cité idéale « . Les architectures sont dessinées avec la plus grande minutie. Les bâtisses sont résolument modernes, c’est-à-dire à l’antique : des palais, un amphithéâtre (le Colisée?) et une église à plan central se distribuent de part et d’autre d’une esplanade à deux niveaux. Au centre, l’ampleur de l’espace est soulignée par la succession d’une fontaine, d’un arc de triomphe et d’une porte dans l’enceinte de la ville. Le tracé des orthogonales est visible en lumière rasante. Le point de fuite se situe sur la porte fortifiée. La ville est presque déserte : la perspective ne régit que l’architecture. Dans la » Cité idéale « , on voit aussi à gauche, une église à plan central comme le baptistère de Florence.
Michelozzo et la diffusion d’un style
Si les architectes s’inspirent désormais des canons de Brunelleschi, beaucoup d’entre eux cherchent à les adapter aux domaines utilitaires de la société florentine et appartiennent à des courants stylistiques originaux et personnels. C’est le cas de Michelozzo di Bartolomeo (1396-1472) qui est orfèvre d’origine, graveur à la Monnaie de Florence, sculpteur, et qui débouche, par la pratique, à l’architecture. Fils d’un tailleur d’origine bourguignonne, il n’a pas reçu de formation théorique, contrairement à Brunelleschi. Il n’a pas le génie de Donatello et de Ghiberti, avec lesquels il collabore : ses œuvres plastiques et architecturales présentent un certain classicisme gothique. C’est le cas de la petite église du couvent San Francesco al Bosco dans le Mugello, mais les grandes réalisations qu’il dirige à Florence procèdent d’un état d’esprit différent. À la demande de Cosme de Médicis, il reconstruit le couvent de San Marco que Vasari considère comme le plus beau des cloîtres. La disposition parfaite de l’ensemble, la rigueur des proportions et la sobriété du décor appartiennent au monde de la Renaissance. Michelozzo se distingue même en introduisant dans le cloître et la bibliothèque le domaine de l’architecture sacrée, il accomplit son chef-d’œuvre en reconstruisant, à partir de 1444, l’église de Santa Annunziata de Florence qui suscite une vive controverse. Outre ses ensembles monumentaux, l’architecte porte son attention sur des œuvres de petites dimensions – tabernacles ou édicules – où il expérimente des formes nouvelles tirées de l’antique. Son expérience et son talent, orientés vers les domaines utilitaires, ainsi que son goût pour le décor l’introduisent en les villas médicéennes de Cafaggiolo et de Careggi, et crée pour ses mécènes une maison d’un type nouveau à Fiesole. Il conserve à ces villas leur aspect de petites forteresses avec leurs chemins de ronde, garde le couronnement de mâchicoulis en guise de corniche, et ouvre des fenêtres équilibrées sur les murs. À Careggi, il embellit la façade en ajoutant une loggia sur portique.
De toutes ses constructions civiles, le palais Médicis de la Via Larga (1444-1459) connaît une résonance plus importante, car Michelozzo en fait l’édifice type des palais florentins, avec ses façades faiblement éclairées, ses bossages atténués d’un niveau à l’autre, et une énorme corniche, inspirée de l’antique, qui renforce la vigueur plastique du monument. Mais la grande nouveauté concerne la cour intérieure, entourée d’un portique à colonnes antiques, qui transpose l’ordonnance du couvent dans le logis urbain. Le palais Renaissance de style toscan a trouvé modèle : Michelozzo le reproduit au palais Strozzino, puis en réalisant le cortile du Palazzo Vecchio. Alors qu’il subit l’influence de Brunelleschi, il exprime toujours sa liberté dans un vocabulaire tiré de l’antique, tant à Florence comme dans des régions plus lointaines, comme la Lombardie, où le sculpteur prend généralement le pas sur l’architecte. Michelozzo participe donc activement à la diffusion du nouveau style, mais c’est Alberti qui lance l’architecture vers une voie nouvelle.
Le vestibule du palais Médicis voûté en berceau débouche dans la cour bordée de portiques à arcades en plein cintre. Le dessin des colonnes et des arcs en plein cintre dérivent franchement du vocabulaire de Brunelleschi, comme si le portique de l’hôpital des Innocents était replié dans la cour. Un grand escalier à volées droites conduit au premier étage où se trouve la grande salle, l’appartement de Cosme de Médicis, chambre et cabinet, et la chapelle.
Alberti, l’humaniste architecte
Fils naturel d’un patricien florentin exilé à Gênes, Leon Battista Alberti (1404-1472) reçut à Padoue et à Bologne une formation universitaire de droit, philosophie et science. Maîtrisant le meilleur latin classique, il publia des traités moraux (De familia, 1432). Devenu secrétaire apostolique en 1432, il entra en contact en 1434, pendant le séjour de la cour papale à Florence, avec les pionniers de l’art nouveau, Brunelleschi et Donatello. Il rédigea trois traités sur les nouveaux arts du dessin : De pictura (1435), De re aedificatoria (1452) et De statua (ap. 1464). Sa riche culture humaniste et une expérience visuelle romaine lui permirent de donner à l’art nouveau une résonance plus universelle. Alberti aborde l’architecture comme un langage. Pour lui, l’art antique est moins une source de motifs qu’une méthode. Là où Brunelleschi compose sur un principe de répétition et d’uniformité, il compose sur une syntaxe de variété et de hiérarchie. Aux arcs retombant sur une colonne de Brunelleschi, il substitue le système antique de la colonne adossée au mur et portant un entablement et le motif rythmique de l’arc de triomphe le retient singulièrement.
Dans la seconde moitié des années 1440, Alberti se trouve à Rome où il commence à rédiger ses œuvres majeures, le Momus et le De re aedificatoria. Au même moment, sous le pontificat de Nicolas V, Alberti entreprend des travaux scientifiques ou techniques. C’est ainsi qu’il dresse un plan de Rome et livre les moyens de le reproduire fidèlement. Il rédige aussi en langue vernaculaire une série d’applications pratiques des mathématiques, mais c’est en langue latine qu’il rédige le traité De statua. Probablement la présentation au pape du De re aedificatoria, en 1452, à quelque chose à avoir avec l’implication d’Alberti dans le nouveau chantier lancé à Rimini par Segismondo Pandolfo Malatesta, pour la réfection de l’église San Francesco. Alberti fournit un projet pour l’extérieur de l’église et qui fut en contact avec Matteo de’ Pasti qui s’occupait du chantier. Après les contacts répétés d’Alberti à partir de 1459 avec Ludovico Gonzaga de Mantoue, l’architecte resta son consultant pour tous ses projets architecturaux. On évoque parfois d’autres interventions architecturales d’Alberti, probablement de ces années, et spécialement à Rome, la Loggia delle Benedizione et le Palazzo Venezia, dont le concepteur serait Francesco del Borgo, un architecte qui aurait pu subir l’influence d’Alberti. On parle aussi d’interventions de ce dernier dans la transformation du bourg natal du pape Pie II (rebaptisé Pienza), où le Palazzo Piccolomini, édifié par Bernardo Rossellino, ressemble d’assez près au Palazzo Rucellai de Florence.
De statua/De la statue. On ne connaît pas la date de composition de cet opuscule ; Deuxième ou troisième traité sur les arts plastiques, il a été écrit après l' » Autobiographie » possiblement dans les environs de l’année 1450, à cause de plusieurs points de contact avec la » Descriptio urbis Romae » écrit à Rome. Le sujet n’est pas la sculpture, mais bien la statue, c’est-à-dire non pas l' » historia » sous sa forme sculptée mais simplement la représentation des corps. Alberti tente d’abord de cerner l’essence de la statuaire en partant, comme il le fait dans le traité de peinture avec le mythe de Narcisse, d’une sorte de généalogie dans laquelle la nature produirait fortuitement des figures que les hommes tenteraient ensuite de rendre plus ressemblantes. Il distingue ensuite les diverses techniques, mais surtout il propose des procédés techniques pour aider le sculpteur dans sa tâche.
Alberti aborde la question de l’architecture par rapport à l’urbanisme en se référant, de manière fondamentale, à l’art antique, qu’il s’agisse d’édifices publics ou de bâtiments civils, de palais ou de maisons plus modestes. Alberti aboutit à une réflexion sur la ville idéale qu’il divise, à l’exemple de Platon, en douze parties et qu’il soumet à la loi des nombres. En égard de l’importance capitale que prend la nouvelle science, l’architecte se pose comme un intellectuel chargé de concevoir un plan plus clair, rationnel, équilibré, en harmonie avec la beauté. La séparation de la conception et l’exécution qui éloigne l’architecte de l’ouvrier, explique que Leon Battista Alberti ait le plus souvent donné des instructions et imposé ses plans autour de lui : Bernardo Rossellino bâtit pour lui le palais Rucellai de Florence, vers 1446-1451, et Matteo de’ Pasti élève sur ses plans le temple de Malatesta à Rimini, vers 1447. À Florence, il modernise la façade de Santa Maria Novella offrant à la postérité un modèle universel. Il résout l’équilibre des horizontales et des verticales et réussit une liaison harmonieuse entre les divers étages de la façade en ajoutant deux volutes dérivées du contrefort, mais qui constituent un événement par leur dessin géométrique. Son importance dans l’histoire de l’architecture et celle de la Renaissance est accentuée par le nombre de projets qu’il diffuse dans les villes italiennes. Rome, Venise, Ferrare, Rimini, Mantoue et Urbino se dotent d’édifices conforme à ses directives.
Alberti redessine pour Giovanni Rucellai la façade de Santa Maria Novella, commencée en style gothique. À côté de la vigueur archéologique du temple de Rimini, cette façade est en retrait, mais on peut y reconnaître rétrospectivement le prototype, ou plutôt l’archétype de la façade à deux ordres superposés qui s’impose au XVIe siècle. De près, les effets décoratifs d’entrelacs et de motifs héraldiques donnent à la façade son caractère précieux, loin de la grandeur antique. Alberti redessine le placage de marbres polychromes gothiques qui avait été entrepris pour lui donner des proportions plus régulières, et il scande les deux registres de colonnes en bas, de pilastres à fût polychrome alterné en haut. Avec ses grandes volutes cantonnant l’ordre supérieur et son fronton triangulaire en couronnement, cette façade apparaît comme le prototype de la première famille de façades, dont on doit reconnaître l’archétype dans la façade romane de San Miniato al Monte. La préexistence d’éléments gothiques et la scansion assez lâche des ordres dans le registre inférieur empêchent cependant Santa Maria Novella d’apparaître comme un modèle définitif, comme l’inachevé Tempio Malatestiano de Rimini, au dessin plus serré.
La rédaction du De Pictura en langue vernaculaire voit Alberti opérer dans un champ quasiment inexploré. Le fait qu’il se dise dans sa dédicace, ami de Brunelleschi et de Donatello, c’est-à-dire de l’avant-garde artistique de l’époque, est un élément fascinant. Dans le De Pictura, il présente la première théorisation de la perspective (inventée selon la tradition par Brunelleschi). Au même moment Alberti fait la connaissance du mathématicien et astronome Paolo Toscanelli, ce qui conforme son intérêt pour les sciences. Alberti prétend dans son autobiographie avoir inventé une sorte de camera oscura qui se situe à la confluence de ses intérêts picturaux et scientifiques, et affirme avoir peint, sculpté et réalisé son autoportrait (dont deux exemplaires sous forme de plaquettes nous sont parvenus, qui constituent la seule trace de ses talents dans les arts plastiques).
Lorsque le pape Pie II Piccolomini veut embellir son village natal, qui devient Pienza, il emploie le Florentin Rossellino. Autour d’une place redessinée devant l’église, grossièrement trapézoïdale, ornée d’un puits dont la poulie s’attache à une travée d’ordre – première apparition d’un motif appelé à une grande fortune -, il dispose trois palais. Le palais de Piccolomini reprend assez exactement le dessin du palais Rucellai d’Alberti, si ce n’est que les pilastres du rez-de-chaussée sont rustiquées pour suggérer l’idée de soubassement.
Giovanni Rucellai avait décidé, des 1448, de consacrer les revenus de sa villa de Poggio a Caiano à la construction d’un tombeau imitant la forme du Saint-Sépulcre. On ne connaît pas les dates exactes de réalisation de la chapelle et du tombeau (sans doute les années 1460, ce qui ferait du » tempietto » la seule œuvre entièrement achevée du vivant d’Alberti), ni le nom du maître d’œuvre ; mais on peut supposer qu’il s’agit de Giovanni di Bertino, à cause de la grande proximité stylistique de revêtement en marbres blanc et vert avec la grande façade. Les lignes de la chapelle funéraire sont très sobres et d’une élégance austère. L’ensemble a toutefois été profondément restructuré au début du XIXe siècle de sorte qu’il est difficile de juger du résultat, admiré par Vasari. Quant au » tempietto » lui-même (qui ne fait que s’inspirer des lignes du Saint-Sépulcre, en les adaptant et en les géométrisant), il ressemble surtout à un merveilleux écrin, où se retrouvent les caractères romains stylisés avec un grand raffinement de la frise de Santa Maria Novella.