Art minimal
Le Minimalisme ou Art minimal, terme qui signifie « le moins est le plus » (célèbre principe de l’architecte Mies Van der Rohe : Less is more ), est justifié par l’intervention minimale des artistes.
En 1959, Frank Stella, considéré comme l’initiateur du mouvement, présente à l’exposition Sixteen Americans au MOMA, en réaction contre l’Expressionnisme abstrait, ses Blacks Paintings où règnent la non-couleur, le systématisme et la planéité absolue du tableau. Ces tableaux déclenchent le scandale, mais annoncent un mouvement de peintres minimalistes qui rejettent l’illusionnisme évacuent la subjectivité, utilisent des formes abstraites géométriques et simplifiées à l’extrême. L’Art minimal, semblait inviter le spectateur à se concentrer sur l’art seul, à l’exclusion de tout ce qui pouvait être perçu comme un élément relevant d’un autre domaine. Il posait comme principe que l’art et le monde existaient dans des univers parallèles mais séparés. Dans sa détermination à se dépouiller de toutes les excentricités et complexités de la forme, il évacua les éléments qui permettaient habituellement de définir le style auquel on a affaire. On peut faire remonter le minimalisme aux expériences menées par les artistes russes, et plus précisément au suprématisme de Malevitch. Ad Reinhard est celui qui reprit ces idées de la manière la plus radicale ; ses peintures réalisées entre 1960 et 1966 produisent un effet de noir complet grâce à la subtile superposition de couleurs foncées. Les sculpteurs minimalistes conçoivent des œuvres aux formes géométriques simples, dont le matériau, fabriqué industriellement sur leurs directives, n’est pas modifié. Les principaux représentants de l’Art minimaliste sont Ad Reinhardt, Carl André, Dan Flavin, Donald Judd, Richard Serra, Frank Stella.
L’un des artistes de ce mouvement qui s’exprimait le mieux était Donald Judd (1928-1994) qui déclara à propos de sa méthode : « Les trois dimensions sont l’espace réel. Cela nous débarrasse de la question de l’illusionnisme et de l’espace libéral, de l’espace à l’intérieur et autour de marques et des couleurs – l’un des vestiges les plus saillants et les plus déplorables de l’art européen. Les limites diverses de la peinture sont éliminées. Une œuvre peut exprimer toute la puissance dont on a voulu la doter. L’espace réel est intrinsèquement plus puissant et plus explicite que la surface plane. » Dans les faits, Judd appliquait ce credo d’une manière moins libérale que ses paroles ne le laissaient entendre ; Untitled (1965) se présente comme une suite de boites en fer galvanisé placées à intervalles réguliers sur un mur.
L’artiste minimaliste ne cherchait pas vraiment à s’exprimer ou à transmettre un message comme on le faisait jadis. L’artiste offrait une image partielle faisant partie d’un ordre complet occupant tout l’espace que le spectateur était en mesure d’imaginer, à charge pour lui de le compléter dans son imagination.
Frank Stella
Peintre américain, né à Malden, Massachusetts en 1936, Frank Stella suit des cours à l’université de Princeton et ses premières toiles sont inspirées par l’Expressionnisme abstrait. Mais dès 1958 i réagit contre ce style et réalise les Black-stripe paintings (peintures à bandes noires), où son dessin est limité à des bandes noires parallèles séparées par les lignes de la toile non peinte (Tomlinson Court Park, 1959). La symétrie, l’uniformité all-over, la touche neutre, le rejet de tout subjectivisme sont une réponse à la peinture de Pollock ou de De Kooning. A partir de 1962, il introduit une couleur, puis deux et enfin plusieurs (Gran Cairo, 1962). Il poursuit ses recherches en créant des toiles au châssis découpé selon des formes variables en T, H, U, hexagonales, pentagonales… (Shaped Canvas – toiles mises en forme) sur lesquelles les bandes horizontales de peintures à l’aluminium ou au cuivre s’identifient à la forme extérieure de la toile (Más o menos, 1964, Paris, MNAM).
Dès 1967, avec la série des Rapporteurs les formes semi-circulaires se libèrent et couleurs formes ne coïncident plus (Agbatana I, 1968). Peu à peu, la planéité jugée réductrice est abandonnée au profit d’un espace « réel » qui aboutira à Brazilian Série (1974-1975) et aux reliefs des Constructed Paintings à partir des années 80. L’espace tridimensionnel est complexe, les découpes peintes de couleurs vives où la touche est présente s’imbriquent dans des formes abstraites variables et différentes (La Vecchia dell’orto, 1986, MNAM).
Richard Serra
Sculpteur américain, né à San Francisco en 1939, Richard Serra après ses études à Berkeley de 1957 à 1961, voyage en France et en Italie (1964-1966) et s’établit à New York en 1967. Avec Robert Morris, Keith Sonnier et Bruce Nauman, Richard Serra appartient au groupe « Anti-Form » de la Côte Ouest. Son œuvre présente diverses phases : les caoutchoucs et les néons (1966-67), les constructions de métal fondu ou coulé (1968-69) ; les travaux coupés et tournés (1968-70) ; les pièces penchées et extrêmement lourdes (1968-71) ; les films et les cassettes-vidéo (1968-77) ; les grandes sculptures d’acier installées en intérieur ou en extérieur dans le paysage (depuis 1970). Serra utilise de nouveaux matériaux pour des rapports fondamentaux où interviennent les notions de provisoire, de mouvement, d’équilibre et de déséquilibre. Dans Splash (1967), Serra jette du plomb fondu au bas des murs. A la fin des années 60, il réalise des vidéos dont les scénarios transcendent les narrations classiques (Hand Catching Lead, 1968). En 1970, il participe à l’exposition « Quand les attitudes deviennent formes » organisée par Harald Szeemann à Berne. En 1977, à la Documenta de Kassel, il construit des équilibres précaires avec des plaques d’acier placées perpendiculairement les unes par rapport aux autres : le danger naissant de ces déséquilibres potentiels deviennent source d’émotion. En 1983, il présente Clara-Clara au Jardin des Tuileries, Paris, ainsi que Slat, à la Défense, inauguré en 1985.
L’œuvre de Richard Serra incarne une sorte de stade transitoire : elle revêt des tonalités minimalistes mais est encore assez proche de compositions de David Smith. Les lourdes pièces penchées que Serra réalisa entre 1968 et 1971 sont d’un dynamisme qui résulte de leur apparente instabilité physique. Elles ont également une forme fréquemment asymétrique. Ses sculptures en plein air, en particulier le célèbre Tilted Arc (1989), ont suscité une polémique en raison de la réaction du public, qui les trouvait menaçantes.
Donald Judd
Artiste américain, Donald Judd (Excelsior Spring, Missouri 1928 – New York 1994) commence très tôt le dessin au pastel et l’aquarelle. Il suit des études à l’Art Students League de New York dès 1947, et obtient un diplôme de philosophie à l’université de Columbia en 1953. De 1956 à 1958, il réalise une série de peintures abstraites. Il devient critique d’art dans deux revues, Art News puis Arts Magazine, et abandonne la peinture pour le relief en 1961. En 1965, il publie un article intitulé « Specific Objets » où il résume sa réflexion sur son travail et celui des artistes minimalistes. Il passe à la tridimensionnalité et met en situation des objets produits par l’industrie : Galvanized Iron (1965), Untitled (1968). En 1971, le cylindre s’ajoute au cube et au parallélépipède. La simplicité des formes qu’il choisit, les lignes rythmées par les dualités couleur/couleur, plein/creux, externe/interne, face/côté, mat/brillant, la rigueur géométrique de ses modules, font de Judd l’un des représentants les plus influents de l’Art minimal : Sans titre (pile), 1973, MNAM, Paris. Depuis 1970, il s’intéresse également à l’emplacement de l’objet d’art dans l’architecture et intervient sur l’environnement intérieur et extérieur. En 1985, il fait réaliser des meubles en bois à tirage limité.
Dan Flavin
Dan Flavin (New York 1933 – 1996) suit les cours de dessin et de peinture à l’université de Columbia de 1957 à 1960. Ses premières œuvres picturales s’inspirent de l’expressionnisme abstrait. Entre 1961 et 1963, il réalise des constructions carrées, peintes, sur lesquelles il fixe des ampoules électriques (Icônes). Il utilise pour la première fois le tube fluorescent en 1963 (Diagonale du 25 mai, 1963). Grâce à la lumière de ses tubes, il transforme l’espace réel et peut jouer avec les limites architecturales. En 1964, il emploie des lumières de diverses couleurs et son œuvre devient plus picturale (Sans titre, To Donna (5a, 1971, Paris, MNAM). Ses structures sont organisées selon l’installation in situ, et n’engagent qu’une action minimale de sa part. En 1966, il participe à l’exposition d’Art minimal « Primary Structures » au Jewish Museum de New York avec Carl Andre, R. Morris, Donald Judd. Inspiré par l’œuvre de Tatlin qu’il admire et auquel il a dédié plusieurs installations (Monument for V. Tatlin, n° 61, 1969), et en créant les Corner Pièces, il a introduit le discours du Constructivisme dans le Minimaliste.
L’œuvre de Dan Flavin se situe à la conjonction du minimalisme et de l’art cinétique. Il ne se préoccupe seulement de la lumière mais également de l’espace, ce dont témoigne le choix de ses matériaux ; en ce sens, son œuvre est liée à celle de Buren. « Je savais, dit-il, que l’espace réel d’une salle pouvait être rompu et manipulé en plantant des illusions de lumière réelle (lumière électrique) à des points de jonction essentiels de sa configuration. »
Carl Andre
Influencé à ses débuts par l’œuvre de Brancusi, Carl Andre (Quincy, Massachusetts, 1935) change radicalement de direction à partir de 1965 et se montre l’un des représentants les plus originaux de l’Art minimal. Il dépossède en effet la sculpture d’une de ses dimensions traditionnelles : la hauteur. Présentant ses pièces à même le sol, il insiste sur la notion de série et associe des éléments identiques dont la juxtaposition a été calculée selon un module mathématique. Entièrement fondées sur l’horizontalité, ces œuvres deviennent alors pour le spectateur un espace à parcourir. Utilisant au départ du bois, de plexiglas, de la brique, il exécute en 1967 ses premières structures en métal et à partir de 1969 les compose en damier. Par la suite, Carl Andre réalise des œuvres verticales (Shiloh, 1980) qui usent de matériaux variés, rigoureusement similaires dans leur découpe et régulièrement espacés. Il crée ainsi une structure spatiale à partir du sol tout en jouant sur la matière, la hauteur, le poids et la régularité des éléments. Toutes ses pièces sont réalisées sur le lieu même d’exposition et sont démantelées lorsque celle-ci se termine.